Discours d’Eric BESSON lors de la conférence de presse du lundi 13 septembre 2010 : bilan des 8 premiers mois de l’année 2010 & programme pour les 4 prochains mois

13 septembre 2010

CONFÉRENCE DE PRESSEbilan des 8 premiers mois de l’année 2010& programme pour les 4 prochains mois

Discours d’Éric BESSON,

Ministre de l’immigration, de l’intégration,de l’identité nationale et du développement solidaire

Paris, le lundi 13 septembre 2010

Seul le prononcé fait foi

Mesdames, messieurs,

Depuis ma nomination au sein du Gouvernement, j’ai souhaité organiser une conférence de presse tous les six mois, afin d’une part de rendre compte du mandat qui m’a été confié par le Président de la République et le Premier ministre et des résultats obtenus, et d’autre part de présenter mon programme d’action pour les prochains mois.

A la tête de ce ministère, j’ai une préoccupation permanente : Assurer un équilibre entre humanité et fermeté, entre respect de notre tradition d’accueil et d’intégration d’une part, et lutte contre l’immigration irrégulière d’autre part. Car la France ne peut accueillir indistinctement tous ceux qui souhaitent s’y établir, précisément parce qu’elle doit bien accueillir ceux à qui elle a donné droit de séjour. La qualité de l’accueil et de l’intégration de l’immigration légale et la fermeté dans la lutte contre l’immigration illégale constituent les deux pans d’une même stratégie.

Le bilan des huit premiers mois de l’année 2010 reflète parfaitement cet équilibre :

Du 1er janvier 2010 au 31 août 2010 :
122.246 autorisations de long séjour ont été accordées, soit une croissance de 9,7%. Cette croissance s’explique principalement par l’augmentation des autorisations de séjour délivrées aux étudiants (+30,9%), l’immigration professionnelle étant relativement stable (+1,8%), et l’immigration familiale connaissant une croissance modérée (+5,9%).

Dès ma nomination j’ai souhaité accorder la priorité au renforcement de nos politiques d’accueil et d’intégration des étrangers entrant et séjournant légalement sur notre territoire. Les parcours de formation, qui étaient uniformes, sont désormais individualisés. Le bilan de compétences professionnelles est désormais généralisé. Le budget consacré au dispositif d’accueil et d’intégration passera de 47 millions d’Euros en 2009 à 56.5 millions d’Euros en 2010, soit une augmentation de plus de 20%.

Par ailleurs, l’opération « Ouvrir l’école aux parents pour réussir l’intégration » a été étendue à 10 départements supplémentaires portant le total des départements couverts à 41.

J’ai souhaité mettre un accent particulier sur l’intégration par l’emploi. Le taux de chômage des immigrés non européens reste en effet 2,5 fois supérieur à la moyenne nationale. Un accord cadre a été signé le 3 mars 2010 avec Pôle Emploi, afin de faciliter l’intégration professionnelle des étrangers primo-arrivants. Un suivi individuel à 3 mois et à 6 mois a été mis en place. Une première étude montre qu’un quart des demandeurs d’emploi ont trouvé un travail au bout de trois mois, et un tiers au bout de six 6 mois. Ce premier bilan est tout à fait encourageant. Des accords de partenariat ont aussi été conclus avec les branches professionnelles connaissant des difficultés de recrutement : services à la personne, transports, propreté, hôtellerie-restauration, informatique, avec de grands réseaux économiques, comme l’Association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH), la Fondation agir contre l’exclusion (FACE), ainsi qu’avec de grands groupes industriels, comme Vinci, Manpower, Casino, ou Coca-Cola.

Depuis novembre 2009, nous conduisons une expérimentation sur le CV anonyme qui a déjà mobilisé près de 1.000 entreprises, soit dix fois plus que les 100 entreprises prévues au départ. Cette expérimentation touche à sa fin. Le dernier comité de pilotage aura lieu à la fin du mois de septembre et les conclusions seront rendues publiques en octobre. Nous serons alors en mesure d’évaluer l’impact de cette mesure.

Nous poursuivons aussi nos efforts pour étendre le label diversité. 90 entreprises et organismes publics et privés, représentant plus de 500.000 salariés, ont obtenu le label diversité, délivré avec l’AFNOR. Je souhaite atteindre l’objectif de 200 entreprises labellisées avant la fin de l’année. Pour cela, nous avons mis en place des outils pour simplifier l’accès au label des PME et des administrations. En octobre prochain, je signerai également une convention avec la Fondation Agir contre l’Exclusion pour renforcer l’accompagnement gratuit des PME vers le label. Le 21 septembre prochain, je donnerai le coup d’envoi du « tour de France de la diversité », qui a pour but de promouvoir les bonnes pratiques de promotion de la diversité dans le recrutement et la gestion des carrières.

Par ailleurs, dans le cadre du projet de loi qui sera prochainement discuté devant l’Assemblée nationale, je proposerai un amendement législatif qui rendra obligatoire, pour les entreprises cotées, la présentation, au sein de leur rapport annuel, des actions qu’elles conduisent pour la promotion de la diversité et la lutte contre les discriminations. Enfin, l’exécution des grands marchés publics de l’État devra être prise en compte la mise en œuvre par les entreprises d’actions de promotion de la diversité et de lutte contre les discriminations. L’article 14 du code des marchés publics sera prochainement modifié dans ce sens.

A cette générosité de nos politiques d’intégration s’ajoute l’ouverture de nos procédures d’accès à la nationalité. Le nombre de naturalisations est passé de 58.400 à 67.300 sur les 8 premiers mois de l’année, soit une croissance de 15,2%. Le stock de demandes de naturalisation en instance dans les services est passé de 107.000 au 1er janvier 2009 à 66.000 au 1er septembre 2010, soit une baisse de 38%. Le délai moyen des procédures de naturalisation était de 12 mois en 2009. Il est aujourd’hui de 5 mois. Ces chiffres démontrent le succès considérable de la réforme de la procédure de naturalisation engagée l’an passé. Ils adressent un démenti cinglant à tous ceux qui avaient accusé le Gouvernement de vouloir restreindre l’accès à la nationalité française.

Tous ces chiffres démontrent le respect, par la France, de sa tradition d’accueil et d’intégration. Dans le même temps, la lutte contre l’immigration irrégulière a, elle aussi, enregistré de très bons résultats :

Le nombre d’étrangers en situation irrégulière reconduits dans leurs pays d’origine est resté stable, avec 19.042 retours, contre 19.456 en 2009. Au rythme actuel, l’objectif de 28.000 éloignements d’étrangers en situation irrégulière sera atteint.

Au sein de ces éloignements, le nombre des retours volontaires connaît une augmentation importante. Il est passé de 5.250 sur les 8 premiers mois de l’année 2009 à 6.020 sur les 8 premiers mois de l’année 2010, soit une croissance de 14,7%. Les retours volontaires en direction de la Roumanie sont les plus nombreux. Les prochains vols affrétés à destination de Bucarest partiront les 14, 16 et 30 septembre prochains.

La France poursuivra la mise en œuvre de ces éloignements d’étrangers en situation irrégulière, quelles que soient leurs origines ethniques ou leurs nationalités. Ces mesures sont toujours prises sur une base individuelle, en application de la loi de la République et des traités européens et internationaux, et sous le contrôle très strict des juges administratif et judiciaire.

Depuis un an, j’ai aussi souhaité mettre l’accent sur la lutte contre l’immigration irrégulière dès le pays d’origine. 93 attachés de sécurité intérieure, 22 officiers de liaison immigration, et 20 conseillers sureté immigration, sont désormais affectés dans les principaux pays sources d’immigration. Ils couvrent plus de 150 pays. Reconduire dans leurs pays d’origine les étrangers en situation irrégulière interpellés sur notre territoire est une nécessité. Mais la priorité est que les étrangers sans visa ni titre de séjour n’entrent pas sur notre territoire. En 2009, nos officiers de liaison ont empêché l’embarquement de 11.034 personnes, ce qui constituait déjà une augmentation importante. Grâce au déploiement et à la mobilisation de ce réseau, sur les sept premiers mois de l’année 2010, 11.579 personnes ont été empêchée d’embarquer, soit plus que sur toute l’année 2009.

Par ailleurs, la lutte contre les filières qui organisent cette immigration irrégulière s’amplifie :
› Le nombre de filières démantelées est passé de 95 sur les 8 premiers mois de l’année 2009 à 128 sur les 8 premiers mois de l’année 2010, soit une croissance de 34,7%.
Le nombre de trafiquants de migrants interpellés est passé de 3.403 à 3.843, soit une croissance de 13%.

* * *

Les 4 prochains mois seront marqués par la discussion devant le Parlement du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité. Ce projet de loi s’inspire de trois sources :

Premièrement, le débat sur l’identité nationale lancé l’an passé, le séminaire gouvernemental organisé dans ce cadre le 8 février 2010, et les Lundis Républicains qui réunissent désormais, chaque mois, des philosophes, des historiens, des sociologues, pour débattre des valeurs qui fondent notre Nation. Ces débats nous ont confortés dans la conviction qu’il convient de renforcer l’intégration des immigrés qui entrent et séjournent sur le territoire national. Le projet de loi prévoit notamment la mise en place d’une charte des droits et devoirs du citoyen, qui devra être signée par l’ensemble des étrangers naturalisés et remise à toute personne accédant à la nationalité française. Cette charte ne sera pas un simple rappel de nos principes constitutionnels et législatifs. En la signant, l’étranger accédant à la nationalité française s’engagera à être fidèle aux valeurs de la France, à respecter ses symboles, à servir notre pays et contribuer à son rayonnement.

Le Gouvernement déposera par ailleurs une proposition d’amendement étendant les motifs de déchéance de nationalité aux personnes ayant porté atteinte à la vie d’une personne dépositaire de l’autorité publique.

Deuxième source de ce projet de loi : Trois directives européennes, qui mettent en place un premier cadre pour l’harmonisation des politiques d’immigration en Europe :
la directive « carte bleue européenne », qui crée un premier titre de séjour européen, ouvrant le même droit au séjour et au travail dans l’ensemble des 27 États membres de l’Union européenne pour les travailleurs qualifiés ;
la directive « retour », qui ouvre la possibilité d’assortir une mesure d’éloignement d’une interdiction de retour sur l’ensemble du territoire européen ;
la directive « sanctions », qui met en place un ensemble de sanctions administratives, financières et pénales contre les personnes physiques ou morales qui recourent sciemment, directement ou indirectement, à l’emploi d’étrangers sans titre de séjour.

Troisième source de ce projet de loi : le rapport de la Commission présidée par Pierre Mazeaud intitulé « Pour une politique des migrations transparente, simple et solidaire », remis le 11 juillet 2008.

75% des procédures de reconduite dans leurs pays d’origine d’étrangers en situation irrégulière ne vont pas à leur terme, en raison de la complexité des procédures. Afin d’en améliorer l’efficacité, le projet de loi :

Organise de manière plus cohérente l’intervention des deux juges compétents en matière de contentieux de l’éloignement des étrangers.

Allonge de 32 à 45 jours la durée maximale de rétention administrative des étrangers en situation irrégulière visés par des mesures d’éloignement, afin de faciliter l’obtention des laissez-passer consulaires auprès des pays d’origine, et de permettre la conclusion d’accords de réadmission eu niveau européen.

Crée un dispositif d’urgence adapté aux afflux d’étrangers en situation irrégulière en dehors des points de passage frontaliers : la zone d’attente temporaire.

Le Gouvernement déposera enfin trois propositions d’amendement facilitant la reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière, y compris, dans certaines circonstances, des ressortissants de l’Union européenne.

› Un premier amendement permettra de prendre une obligation de quitter le territoire français (OQTF) pour ceux qui abusent du droit au court séjour afin de contourner les règles plus strictes du long séjour ;

› Un deuxième amendement permettra la reconduite dans leurs pays d’origine des personnes qui représentent une charge déraisonnable pour notre système d’assistance sociale.

› Un troisième amendement élargira les possibilités de prendre des arrêtés de reconduite à la frontière pour menace à l’ordre public à l’occasion d’actes répétés de vols ou de mendicité agressive.

Les prochaines semaines seront aussi marquées par nos efforts en faveur de l’asile. La France demeure la patrie de la liberté et des droits de l’Homme, en étant le pays le plus généreux en Europe et le deuxième au monde en matière d’asile. Mais cette tradition d’asile est menacée par ceux qui y voient une porte ouverte à l’immigration irrégulière. Avec une augmentation des premières demandes d’asile de plus de 43% en deux ans, et de 12,5% depuis le début de l’année, nous sommes confrontés à une véritable crise nationale de l’asile. La saturation de nos capacités d’accueil et l’allongement des délais de traitement des demandes atteignent un niveau sans précédent depuis le milieu des années 2000, alors même que la demande d’asile mondiale ne progresse pas et que celle adressée à l’ensemble de l’Union Européenne ne connaît qu’une hausse de 3%.

Dans l’immédiat, j’ai décidé de créer 1.000 places supplémentaires d’hébergement au 1er juillet, et d’affecter de nouveaux moyens à l’OFPRA et à la CNDA. Au total, 415 millions d’euros seront consacrés aux demandeurs d’asile en 2010.

Je souhaite aussi que nos efforts portent sur la recherche de solutions européennes et internationales coordonnées :

› Le 6 septembre dernier, j’ai réuni à Paris sept ministres européens et canadien, en présence de la commissaire européenne chargée des affaires intérieures. Nous avons décidé de créer un groupe de coordination des dix principaux pays destinataires de la demande d’asile mondiale, en vue notamment de parvenir à un traitement harmonisé des demandes d’asile.

› Dès demain à Bruxelles, dans le cadre de la conférence européenne sur l’asile, je présenterai avec le ministre de l’intérieur allemand une initiative conjointe pour mettre fin au « supermarché européen de l’asile » exploité par les filières d’immigration clandestine. Nous demanderons la création sans délai d’un régime d’asile européen commun.

› La prise en compte de l’immigration clandestine dans l’explosion de la demande d’asile nécessite également que nous poursuivions sans relâche la lutte contre ces filières au niveau international. Le 29 mai dernier à Varese, dans le cadre du G6 qui regroupe les ministres des six principaux pays européens et des États-Unis, j’ai proposé la création d’une « task-force » euro-américaine de démantèlement des filières. La première réunion de cette « task-force » des directeurs de police se tiendra fin octobre à Paris.

Nos efforts internationaux s’appuieront sur le plan national de lutte contre les filières d’immigration clandestine, qui sera finalisé dans les prochains jours et qui associera, aux côtés de mon ministère, les ministères de l’intérieur, des affaires étrangères et de la défense. Dans le cadre de ce plan national, je procèderai à l’installation, le 21 septembre prochain, de la première unité inter-services de coordination opérationnelle de la lutte contre le trafic de migrants.

Notre action ne peut être efficace et bien comprise que si elle s’inscrit dans un partenariat avec les pays sources d’immigration. Au cours de l’année écoulée, j’ai signé de nouveaux accords avec la Russie, le Brésil, la Serbie, le Monténégro, la Macédoine, le Liban. Des négociations sont également engagées avec le Maroc, le Qatar, le Vietnam, l’Inde, la Géorgie, l’Autorité palestinienne, la Bosnie-Herzégovine et l’Albanie.

L’Afrique continue bien sûr de constituer une priorité, tant les destins de la France et de ce continent sont intimement liés. A l’occasion du sommet Afrique-France, le 2 juin dernier à Nice, j’ai obtenu des acteurs bancaires et financiers des engagements sans précédent de réduction des coûts des transferts d’argent des migrants. Dans les prochaines semaines, je lancerai avec un important opérateur la première solution de transfert d’argent par téléphonie mobile entre la France et des pays africains.

Les quatre prochains mois verront surtout l’aboutissement d’un grand projet qui placera la mobilité des jeunes au cœur de la construction d’un espace méditerranéen de la circulation des personnes, du savoir et des compétences.

Le 14 décembre dernier à Paris, j’ai proposé la création d’un Office Méditerranéen de la Jeunesse qui mettra en œuvre un programme « Erasmus » pour les étudiants du Nord et du Sud de la Méditerranée.

Avec quinze autres pays riverains, et six États membres de l’Union Européenne, nous nous sommes donnés un an, d’ici la fin 2010, pour y parvenir. Nous travaillons étroitement avec le secrétariat général de l’Union Pour la Méditerranée. Dès la rentrée universitaire 2011- 2012, l’Office Méditerranéen de la Jeunesse offrira aux meilleurs étudiants des bourses méditerranéennes, des facilités de visa et de séjour, un parrainage professionnalisant, l’accès à une plateforme de stages et d’emplois, ainsi que la possibilité d’exercer une première expérience professionnelle dans le pays de leur choix.

Après le Maroc en avril et le Monténégro en juin, j’ouvrirai à Chypre, le 18 octobre, une troisième et dernière réunion d’experts, avant de procéder au lancement officiel de l’Office Méditerranéen de la Jeunesse par les ministres des seize pays.

Mesdames et Messieurs, avec l’Office Méditerranéen de la Jeunesse, nous voulons dire aux jeunes de la Méditerranée qu’ils constituent notre avenir commun. Un avenir qui passe par le dialogue des cultures, la compréhension mutuelle et des projets concrets rapprochant les deux rives. Un avenir fondé sur l’intérêt partagé de développer des migrations circulaires qualifiantes profitant autant au pays d’accueil qu’au pays d’origine.

Mesdames, messieurs, les migrations ne contribuent au progrès de l’humanité que si elles respectent le triple intérêt du migrant, du pays de destination, et du pays d’origine. Elles sont l’un des aspects de la mondialisation en cours des échanges. Et il n’y a pas de mondialisation heureuse sans régulation. Je vous remercie de votre attention.