Le Contrat d’Intégration Républicaine (CIR), signé entre l’État et les immigrés admis au séjour en France, propose des formations linguistiques mais aussi un parcours avec pour objectifs l’intégration professionnelle, ou encore la compréhension par l’étranger des principes de la République. Le CIR est obligatoire pour 45% des primo-arrivants et 12% se le voient proposé. Les primo-arrivants de 2018 sont 53% à l’avoir signé. Cette propension diffère cependant selon le motif d’admission au séjour, le genre, le niveau de diplôme et l’activité professionnelle de l’immigré.
Le Contrat d’Intégration Républicaine (CIR) est conclu entre l’État français et tout primo-arrivant éligible et désireux de s’installer durablement en France. D'une durée d'un an, et à l’instar d’autres dispositifs européens (encadré 1), le signataire s’y engage à suivre une formation civique et, selon son niveau de français, une formation linguistique. Lors des entretiens organisés par l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), le signataire bénéficie de conseils en orientation professionnelle et d’un accompagnement adapté à ses besoins [1].
En 2024, 114 443 CIR ont été signés, soit 10,5% de moins que l'année précédente, qui était une année record (figure 1). Néanmoins, le niveau de 2024 reste nettement supérieur à celui des années 2018 à 2022. Entre 2018 et 2024, 106 500 immigrés signent ainsi le CIR en moyenne chaque année [2].
Les primo-arrivants ont l’obligation de signer le CIR à l’exception de certaines dispenses. C’est le cas pour :
Par ailleurs, du fait de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968, les primo-arrivants ressortissants d’Algérie qui reçoivent une convocation de l’OFII pour le CIR ont le choix de le signer ou non. Dans ce cas-là, le CIR est dit « sur proposition ».
Parmi les primo-arrivants bénéficiaires d’un premier titre de séjour en 2018, d’un an ou plus et hors motif « étudiants » (encadré 2) 45% ont l’obligation de signer un CIR, 43% n’y sont pas soumis et le CIR est proposé à 12% d’entre-eux (figure 2).
Note : La statistique est provisoire.
Champ : France.
Lecture : En 2018, 97 940 primo-arrivants ont signé un CIR.
Source : OFII.
Lecture : Parmi les primo-arrivants de 2018, 45% sont soumis au CIR, dont 36%, soit 80% d’entre eux, ont signé le CIR.
Champ : Primo-détenteurs d'un titre de séjour (hors étudiants) en 2018 d'un an ou plus dans l'un des 10 départements couverts par Elipa 2.
Source : Ministère de l'Intérieur - DSED - Enquête Elipa2.
En plus de la France, 20 autres pays de l’Union européenne (UE) proposent des formations d'éducation civique aux ressortissants de pays tiers résidant légalement sur leur sol. Bien que les conditions d’accès à ces cours ainsi que le profil des bénéficiaires varient significativement entre les États Membres, quatre objectifs clés apparaissent comme communs à toutes ces formations :
Dans la majorité des États membres, les formations portent souvent sur deux éléments principaux : des informations sur le fonctionnement de la société d’accueil en termes de normes, valeurs, droits, règles et obligations, et des informations pratiques sur les services disponibles, y compris les soins de santé, l’éducation, l’emploi, le logement et les prestations familiales.
Enfin, si l’étranger ne répond pas à ses obligations de formation, cela peut avoir des conséquences, en particulier sur le non-renouvellement de son titre de séjour dans 7 États Membres.
Elipa 2 interroge des primo-détenteurs de titre de séjour d’un an ou plus hors titre « étudiants » (source). Dans le cadre de l’enquête Elipa 2, les deux formules du CIR, celles avant et après sa réforme de 2019 [7], coexistent. Sur les 6 500 répondants de la vague 1 d’Elipa 2, plus de 3 400 déclarent en 2019 ou 2020 avoir signé le CIR, dont près de 2 800 avant le 1er Mars 2019.
Les premiers résultats issus de l’enquête concernant le CIR [7] établissent une majoritaire satisfaction des bénéficiaires du CIR vis-à-vis de la réunion d’information, de l’entretien avec un auditeur de l’OFII et aussi de la formation civique. La formation linguistique est prescrite essentiellement aux bénéficiaires en plus grande difficulté, ciblant ainsi le bon public et entrainant une évolution favorable de l’aisance en français après la formation. Parmi les primo-arrivants de 2018 non-soumis au CIR, ils sont moins d’un sur quatre à déclarer l’avoir signé volontairement. Ayant pour près de la moitié étudié en France, environ deux sur cinq ont moins de 30 ans en 2019, un sur cinq est en France depuis 10 ans ou plus, et plus de la moitié est originaire d’Afrique francophone.
Le non-respect par le primo-arrivant de ses engagements prévus au CIR peut sérieusement compromettre la stabilité de son séjour en France et avoir des répercussions lors du renouvellement de son titre de séjour. Parmi ceux soumis au CIR, un sur cinq ne le signe pas, soit 9% de l’ensemble des primo-arrivants (figure 2).
Inversement, les étrangers concernés par une des exceptions décrites ci-dessus peuvent volontairement signer ultérieurement le CIR (article R413-6 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile). C’est en particulier le cas des primo-arrivants titulaires d’un passeport talent, des travailleurs détachés ou encore des étrangers ayant fait leurs études en France et qui ne sont pas couverts par une carte de séjour temporaire pour travailleur saisonnier ou temporaire, étudiant ou stagiaire, ou même pour vie privée et familiale ou visites. Parmi les 43% des primo-arrivants non-soumis au CIR, près d’un sur quatre le signe.
À titre de comparaison, six primo-arrivants algériens de 2018 sur dix à qui le CIR a été proposé ont accepté de le signer (figure 2), soit un taux 2,5 fois supérieur à celui des primo-arrivants non soumis au CIR et volontaires.
La propension à signer un CIR croît avec l’obligation à le signer : 80% des primo-arrivants soumis au CIR en signent un contre seulement 24% des non soumis. Estimer les facteurs déterminants de la signature du CIR est un exercice difficile : ces derniers jouent autant un rôle dans le fait qu’un primo-arrivant soit soumis au CIR que dans le fait qu’il en signe un. Il devient toutefois possible de mesurer ces facteurs pour les primo-arrivants à qui on propose de signer un CIR, c’est-à-dire pour les CIR « sur proposition » (encadré 3).
La durée de présence en France est un facteur déterminant dans la propension des primo-arrivants à signer le CIR. Pour ceux non soumis à sa signature, la propension à s’engager dans le dispositif croît avec le temps passé sur le territoire, jusqu’à un certain seuil. Ainsi, seuls 8% des personnes présentes en France depuis moins de deux ans et non soumises au CIR le signent, contre 31% pour celles installées depuis deux à cinq ans et 38% pour celles résidant depuis cinq à neuf ans. Toutefois, au-delà de dix ans de présence, cette propension diminue à 21% (figure 3). Ce phénomène s’explique par le fait que, sans contrainte administrative, la découverte du CIR et la perception de ses bénéfices nécessitent du temps. Après dix ans, les primo-arrivants ont généralement déjà construit des repères sociaux, culturels et professionnels, réduisant ainsi leur besoin d’un accompagnement institutionnel pour favoriser leur intégration. De la même manière, plus ils résident en France depuis longtemps au moment de l’obtention de leur premier titre de séjour, moins les primo-arrivants algériens à qui le CIR est proposé sont enclins à s’y engager. En 2019, plus de la moitié d’entre eux sont en France depuis moins de deux ans et 63% ont signé le CIR, contre plus de 50% pour ceux résidant en France depuis plus de 2 ans (figure 3). Toutes choses égales par ailleurs, les Algériens installés depuis moins de 2 ans signent ainsi le CIR 62% plus souvent que ceux présents depuis une décennie ou plus (encadré 3).
L’âge joue également un rôle clé. Les primo-arrivants non-soumis au CIR âgés de 30 ans ou plus ans expriment un besoin plus important d’accompagnement pour une intégration professionnelle et linguistique rapide [3]. En effet, ces derniers sont environ trois sur dix à la signer soit un sur dix de plus que les moins de 30 ans (figure 3). Concernant les CIR « sur proposition », les primo-arrivants algériens de 40 à 49 ans, admis au séjour à un âge plus avancé de leur vie active et loin de leur retraite, signent davantage le CIR : ils sont 62% à signer le CIR soit 6 et 5 points de plus que leurs aînés et ceux de 30 à 39 ans.
Le capital humain des primo-arrivants, c’est-à-dire l’ensemble de leurs compétences, connaissances et qualifications, joue un rôle significatif dans l’adhésion au CIR. Avec un capital humain élevé, les immigrés disposent de meilleures compétences linguistiques et éducatives, ce qui les rend plus réceptifs aux opportunités offertes par le CIR [4]. Inversement, un immigré disposant d’un capital humain élevé – diplôme reconnu, expérience professionnelle significative ou maîtrise du français – peut percevoir le CIR comme moins pertinent pour son intégration. Déjà autonome dans ses démarches et son insertion professionnelle, il peut juger l’accompagnement proposé peu utile.
Au total, parmi les non-soumis au CIR, plus les primo-arrivants sont diplômés moins ils signent le CIR : moins de 2 sur 10 sont volontaires parmi les diplômés du supérieur, environ 3 sur 10 pour ceux ayant avec un diplôme jusqu’au Bac ou ayant été à l’école, et 5 sur 10 pour ceux diplômés d’un Bac, CAP, BEP ou d’un brevet des collèges (définition), ou ayant été à l’école, et 5 sur 10 pour ceux n’ayant jamais été scolarisés. À l’inverse, les primo-arrivants soumis au CIR sont plus diplômés : ceux n’ayant jamais été scolarisés signent moins souvent le CIR (76%, figure 3) que les autres immigrés (80% et plus).
Pour les titulaires d’un Bac, d’un équivalent ou d’un CEP non soumis au CIR, la propension à en signer un est plus importante lorsque le diplôme n’a pas été obtenu en France, les différences étant de 12 et 13 points. Parmi ceux qui ont été diplômés à l’étranger, les primo-arrivants soumis au CIR ou à qui il a été proposé le signent d’autant plus que ce diplôme est élevé.
Les primo-arrivants soumis au CIR ou à qui il est proposé le signent d’autant plus qu’ils ont été diplômés à l’étranger. 61% des Algériens primo-arrivants diplômés de l’enseignement supérieur à l’étranger signent le CIR, contre 56% de ceux ayant un niveau équivalent au Bac (figure 3). Parmi les primo-arrivants avec un faible niveau de diplôme, ceux ayant déjà été scolarisés jusqu’au brevet des collèges affichent un taux de signature plus élevé (62%) et ont, toutes choses égales par ailleurs, 36% de chances supplémentaires de signer le CIR qu’un primo-arrivant algérien sans aucun diplôme (encadré 3).
En apparence, le niveau déclaré de français (parlé, lu et écrit) à l’arrivée en France n’influe pas sur la signature du CIR : quel qu’il soit, 8 sur 10 le signent lorsqu’ils en ont l’obligation, près de 6 Algériens sur 10 le signent lorsqu’il leur est proposé, et 2,5 sur 10 de ceux non-soumis au CIR (figure 3). Toutefois, à caractéristiques égales, les primo-arrivants à qui le CIR est proposé et déclarant une aisance moyenne ou élevée en français ont respectivement 28% et 22% de chances supplémentaires de signer le CIR « sur proposition » par rapport à ceux déclarant une aisance faible. Les primo-arrivants algériens plus à l’aise en français signent davantage le CIR afin de s’intégrer sur le marché du travail [5].
Les primo-arrivants admis au séjour en France au motif de la protection internationale ou pour motif « liens personnels et familiaux » (définition) signent davantage un CIR que les migrants admis au séjour pour motif économique. Ces derniers, admis au séjour sous réserve d’une autorisation d’embauche ou de remplir les critères d’obtention d’un passeport talent, et donc presque tous en emploi à leur admission au séjour, sollicitent moins fréquemment un besoin d’accompagnement spécifique que les autres nouveaux migrants.
Soumis au CIR | Sur proposition | Non soumis au CIR | Ensemble | |
Ensemble | 80 | 59 | 24 | 53 |
Âge en 2019 | ||||
18 à 29 ans | 80 | 60 | 19 | 45 |
30 à 39 ans | 80 | 57 | 30 | 60 |
40 à 49 ans | 80 | 62 | 25 | 56 |
50 ans et plus | 81 | 56 | 26 | 51 |
Genre | ||||
Femme | 79 | 66 | 21 | 50 |
Homme | 81 | 51 | 26 | 55 |
Motif d'admission au séjour en 2018 | ||||
Motif économique - Salarié | 79 | 77 | 16 | 54 |
Motif économique - Non salarié | n.s | 6 | 7 | |
Motif familial - Famille de français | 77 | 48 | 18 | 54 |
Motif familial - Membre de famille | 81 | 85 | 9 | 52 |
Motif familial - Liens personnels et familiaux | 85 | 53 | 61 | |
Motif humanitaire - BPI | 83 | n.s | 43 | 76 |
Motif humanitaire - Non BPI | n.s | 12 | 13 | |
Motifs divers - Étranger arrivé mineur en France | n.s | 4 | 6 | |
Motifs divers - Divers | n.s | 10 | 13 | |
Plus haut niveau de diplôme en 2019 | ||||
Diplôme supérieur (Bac +2 et plus) - Obtenu en France | 20 | 20 | ||
Diplôme supérieur (Bac + 2 ou plus) - Pas obtenu en France | 80 | 61 | 11 | 47 |
Baccalauréat, CAP, BEP - Obtenu en France | 19 | 19 | ||
Baccalauréat, CAP, BEP - Pas obtenu en France | 81 | 56 | 31 | 64 |
CEP / Brevet des collèges - Obtenu en France | 21 | 21 | ||
CEP / Brevet des collèges - Pas obtenu en France | 81 | 62 | 34 | 67 |
Aucun diplôme obtenu - A déjà été scolarisé en France | 50 | 50 | ||
Aucun diplôme obtenu A déjà été scolarisé (hors France) | 80 | 54 | 34 | 66 |
Aucun diplôme obtenu - N'a jamais été scolarisé | 76 | n.s | n.s | 66 |
Situation du ménage en 2019 | ||||
Couple avec enfants | 78 | 60 | 25 | 55 |
Couple sans enfant | 80 | 56 | 26 | 52 |
Personne seule et famille monoparentale | 82 | 68 | 22 | 53 |
Durée de présence en France en 2019 | ||||
Moins de 2 ans | 82 | 63 | 8 | 42 |
2 à 4 ans | 81 | 55 | 31 | 61 |
5 à 9 ans | 78 | 52 | 38 | 60 |
10 ans et plus | 82 | n.s | 21 | 46 |
Aisance en Français à l'arrivée en France | ||||
Faible | 82 | 59 | 25 | 58 |
Moyenne | 79 | 58 | 24 | 52 |
Fluide | 79 | 59 | 22 | 49 |
Activité à l'arrivée en France | ||||
En emploi | 80 | 54 | 26 | 56 |
Au chômage | 82 | 59 | 33 | 66 |
Au foyer | 77 | 64 | 20 | 54 |
Autre iniactif | 81 | 59 | 22 | 44 |
n.s : non-significatif, les cases grises correspondent aux cas réglementairement impossibles.
Lecture : 80% des primo-arrivants de 2018 soumis au CIR âgés entre 18 et 29 ans en 2019 ont signé le CIR.
Champ : Primo-détenteurs d'un titre de séjour (hors étudiants) en 2018 d'un an ou plus dans l'un des 10 départements couverts par Elipa 2.
Source :Ministère de l'Intérieur - DSED - Enquête Elipa2.
Les femmes algériennes à qui le CIR est proposé affichent un taux de signature plus élevé (66%) que leurs homologues masculins (51%), une différence de 15 points. Les hommes ressortissants d’Algérie sont eux plus souvent actifs et en emploi dès leur arrivée en France que les femmes et sollicitent donc moins souvent une orientation professionnelle [6]. En effet, 54% des Algériens en emploi, hommes et femmes confondus signent le CIR contre 64% pour ceux au foyer et 59% pour ceux au chômage. À caractéristiques sociodémographiques comparables, les primo-arrivants au chômage à leur arrivée en France signent 11% plus souvent le CIR que ceux en emploi (encadré 3).
Enfin, parmi les primo-arrivants non soumis au CIR, ceux au chômage à leur arrivée en France le signent davantage (33%).
En 2019, soit avant la signature du CIR ou peu de temps après, la situation sur le marché du travail des primo-arrivants non-signataires est plus précaire que celle des signataires : les premiers occupent un emploi dans 48% des cas, 12% sont au chômage et 40% inactifs, contre 58%, 17% et 25% pour les signataires (figure 4). La situation professionnelle des signataires s’améliore grandement les trois années suivantes, cette amélioration étant comparable à celle constatée pour les non-signataires. En 2022, 71% d’entre eux sont en emploi, soit 7 points de plus qu’en 2020 et 13 de plus qu’en 2019.
Lecture : Parmi les primo-arrivants de 2018 qui ont signé le CIR, 58% sont en emploi en 2019. Ils sont 64% en 2020 et 71% en 2022.
Champ : Primo-détenteurs d'un titre de séjour (hors étudiants) en 2018 d'un an ou plus dans l'un des 10 départements couverts par Elipa 2.
Source : Ministère de l'Intérieur - DSED - Enquête Elipa2.
Les personnes ayant signé un CIR sont globalement satisfaites des formations suivies, tant civiques, de recherches d’emploi que linguistiques. Ils déclarent majoritairement qu’ils ont pu y exprimer leurs besoins, que les informations transmises sont claires, comprises et utiles [7]. Évaluer l’impact réel du CIR reste toutefois une tâche complexe : les primo-arrivants ont l’obligation ou non de signer un CIR selon des critères spécifiques, déterminés par le cadre juridique, pouvant également avoir un impact sur les trajectoires professionnelles des immigrés [8]. Une simple comparaison entre les primo-arrivants ayant signé le contrat, que ce soit sur obligation, proposition ou volontariat, ou une mise en perspective des situations avant et après la signature du CIR ne suffisent pas à estimer l’efficience de cette politique publique. En effet, le profil socio-économique des signataires ou même leur motivation à suivre les formations influencent autant leur propension à signer le CIR que ses effets. Enfin, le CIR ayant été réformé en 2019, tous les enquêtés d’Elipa n’ont pas accepté et bénéficié de la même version du dispositif (encadré 2).
Pour répondre à ces problématiques, l’étude propose de restreindre l’analyse des trajectoires à celles des signataires de CIR « sur proposition » et d’estimer la probabilité que ceux-ci soient en emploi en 2022, en fonction des déterminants de leur propension à le signer et de leur profil sociodémographiques. Seuls les Algériens ont le choix de signer ou non un CIR, contrairement aux autres primo-arrivants qui y sont soumis ou exemptés. Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, les Algériens primo-arrivants de 2018 signataires d’un CIR ont 8% de chances en plus d’être en emploi en 2022 que ceux ayant décidé de ne pas en signer un.
En 2019, au moment de la signature du CIR ou juste après, les Algériens primo-arrivants signataires se trouvent dans une situation plus fragile sur le marché du travail que ceux qui ne l'ont pas signé. Parmi eux, 37% occupent un emploi, tandis que 26% sont au chômage et 38% inactifs. En comparaison, les non-signataires affichent des taux plus favorables : 48% en emploi, 20% au chômage et 32% inactifs (figure 5). Néanmoins, la trajectoire professionnelle des signataires s'améliore nettement au cours des trois années suivantes. En 2022, leur taux d'emploi atteint 55%, enregistrant une hausse de 9 points par rapport à 2020 et de 18 points par rapport à 2019. Cette progression dépasse celle observée chez les Algériens non signataires du CIR, dont l'emploi n'a augmenté que de 7 points entre 2019 et 2020, soit l'année suivant la fin du dispositif.
Cette hausse de la part en emploi résulte en grande partie de la sortie du chômage d’une part significative de primo-arrivants algériens signataires du CIR : ces derniers ne sont plus que 14% à être au chômage en 2022, soit 12 points de moins qu’en 2019 et 6 points de moins que les non-signataires du CIR en 2022. Conséquence de ces dynamiques, le taux de chômage, c’est-à-dire la part des personnes au chômage parmi celles en emploi ou au chômage, s’établit à 20% en 2022 pour les Algériens signataires contre 25% pour les non-signataires.
Cependant, ces améliorations de l’accès à l’emploi restent à nuancer par la plus faible participation des signataires au marché du travail : ils restent plus de 3 sur 10 à être inactifs (personnes au foyer, élèves, étudiants ou autres inactifs) quatre ans après leur admission au séjour, soit 11% de plus que les non-signataires. C’est en particulier le cas des femmes. En 2022, 36% des Algériennes signataires du CIR sont en emploi, soit autant que les femmes non-signataires et 49 points de moins que les hommes algériens ayant bénéficié du CIR.
Lecture : Parmi les ressortissants algériens primo-arrivants de 2018 qui ont signé le CIR, 37% sont en emploi en 2019.
Champ : Ressortissants algériens primo-détenteurs d'un premier titre de séjour d'un an ou plus hors motif étudiants en 2018 et auxquels le CIR a été proposé.
Source : Ministère de l'Intérieur - DSED - Enquête Elipa2.
Cette étude propose un essai économétrique afin de mesurer la propension des primo-arrivants algériens à signer le CIR quand il leur est proposé. Le champ est contraint aux CIR « sur proposition » car les facteurs de la signature d’un CIR sont en partie ceux déterminant l’obligation à en signer un. Les Algériens, à qui un CIR est systématiquement proposé et qui ont le choix de le signer, constituent un champ propice à cette estimation.
La régression estime la probabilité qu’un primo-arrivant algérien signe le CIR, lorsque celui-ci lui est proposé, en fonction de son âge, son niveau de compréhension orale de la langue française, son genre, sa durée de présence en France en 2019, son plus haut niveau de diplôme (forcément acquis à l’étranger), sa situation professionnelle et sa situation résidentielle à son arrivée en France, la situation de son ménage, et s’il vit en Île-de-France.
Effet marginal sur la signature du CIR |
|
Age en 2019 | |
18 à 29 ans | Réf. |
30 à 39 ans | -7 % *** |
40 à 49 ans | 17 % *** |
50 ans et plus | -7 % * |
Niveau déclaré de français à l'arrivée en France | |
Faible | Réf. |
Moyenne | 28 % *** |
Fluide | 22 % *** |
Genre | |
Féminin | Réf. |
Masculin | -43 % *** |
Vit en Île de France | |
Hors IDF (Rhône, Bouches-du-Rhône, Nord) | Réf. |
IDF (hors Seine et Marne) | -9 % *** |
Durée de présence en France en 2019 | |
Moins de 2 ans | 62 % *** |
2 à 4 ans | 30 % *** |
5 à 9 ans | 17 % * |
10 ans et plus | Réf. |
Plus haut niveau de diplôme | |
Aucun diplôme obtenu | Réf. |
CEP / Brevet des collèges | 36 % *** |
Baccalauréat, CAP, BEP | 7 % ** |
Diplôme supérieur (Bac +2 et plus) | 12 % *** |
Situation du ménage | |
Couple avec enfants | Réf. |
Couple sans enfant | -19 % *** |
Personne seule ou famille monoparentale | 69 % *** |
Est locataire ou propriétaire de son logement ? | |
Oui | Réf. |
Non | -24 % *** |
Statut d'activité à l'arrivée en France | |
Avait un emploi (déclaré ou non) | Réf. |
Au foyer | 2 % n.s |
Autre inactif | 8 % ** |
Chômeur, à la recherche d'un emploi | 11 % *** |
Nombre d'enquêtés | 777 |
Observations | 6 814 |
Précision | 59 % |
Note : *** significatif à 0,1%, ** significatif à 1%, * significatif à 5%, . significatif à 10%, n.s. non-significatif à 10%.
Lecture : À caractéristiques égales, les Algériens primo-arrivants de 2018 à qui le CIR a été proposé et qui ont entre 40 à 49 ans ont 17% de chance en plus de signer le CIR que ceux de 18 à 30 ans.
Champ : Ressortissants algériens primo-détenteurs d'un premier titre de séjour d'un an ou plus hors motif étudiants en 2018 et auxquels le CIR a été proposé.
Source : Ministère de l'Intérieur - DSED - Enquête Elipa2.
Primo-arrivant : dit aussi primo-détenteur, un primo-arrivant est, dans Elipa 2, une personne originaire d’un pays tiers à l’Union européenne des vingt-huit, et hors Royaume-Uni, Islande, Norvège, Lichtenstein et Suisse, disposant d’un premier titre de séjour d’au moins un an délivré en 2018 (hors motif étudiant).
Liens personnels et familiaux : la rubrique « Liens personnels et familiaux » regroupe les étrangers n’entrant dans aucune autre catégorie de l’immigration familiale mais dont les liens privés et familiaux en France justifient la délivrance d’un titre de séjour. S’y ajoutent des situations dans lesquelles le préfet fait usage de son pouvoir d’appréciation pour prendre en compte des situations dans lesquelles la vie privée et familiale apparaît solidement établie en France.
CAP, BEP, CEP : respectivement Certificat d’Aptitude Professionnelle (CAP), Brevet d’Études Professionnelles (BEP) et Certificat d’Études Primaires (CEP).
La seconde édition de l’Enquête Longitudinale sur l’Intégration des Primo-Arrivants, Elipa 2, a pour objectifs principaux d’appréhender le parcours d’intégration en France des immigrés les quatre années qui suivent l’obtention de leur premier titre de séjour (hors motif « étudiant »). En France métropolitaine, près de 120 000 personnes ont obtenu un premier titre de séjour d’au moins un an (hors motif étudiants) en 2018, dont plus de 59 000 dans les dix départements les plus peuplés par les primo-arrivants. L’enquête Elipa 2 est représentative de ces derniers.
Les sondés de cette enquête statistique ont été interviewés en 2019, 2020 et 2022, dans une des dix langues proposées au choix de l’enquêté. Avec plus de 6 500, 5 000 et 4 000 répondants à chacune des trois vagues d’interrogations, l’enquête forme un panel unique utile à l’évaluation des politiques publiques d’intégration des nouveaux migrants, tel que le Contrat d’Intégration Républicaine (CIR).
[1]REM, (2024) « La mise en œuvre des mesures de formation civique comme un outil important pour l’intégration des ressortissants de pays tiers » Note de synthèse du Réseau européen des migrations et de l’OCDE, pp. 18.
[2]DSED, (2024), « Le contrat d’intégration républicaine », Chiffres Clés de l’Immigration 2023, p.78-79.
[3]Safi, M. (2006), « Le processus d’intégration des immigrés en France : inégalités et segmentation », Revue française de sociologie, 47(1), p. 3-48.
[4]Ukrayinchuk, N., Chojnicki, X., (2020), « Le rôle du capital humain prémigratoire dans l’intégration économique des immigrés en France: compétences métier vs compétences transversales », Population, 75(2-3), p. 325-357.
[5]Bechichi, N., Bouvier, G., Brinbaum, Y., Lê, J. (2016), « Maîtrise de la langue et emploi des immigrés : quels liens ? », Insee Référence, édition 2016, p. 35-47.
[6] Zehraoui, A. (1996), « Processus différentiels d'intégration au sein des familles algériennes en France », Revue française de sociologie, p. 237-261.
[7]Jourdan, V., (2021), « Les signataires du Contrat d’Intégration Républicaine (CIR) – Résultats de l’enquête Elipa 2 », Infos-Migrations, n°102.
[8]Emeriau M., Hainmueller J., Hangartner D., Laitin D. D. (2023), « “Welcome to France.” Can mandatory integration contracts foster immigrant integration? », SocArXiv.