La politique en matière d’immigration (Compte rendu du Conseil des ministres du 20 mai 2015)

La politique en matière d’immigration (Compte rendu du Conseil des ministres du 20 mai 2015)
20 mai 2015

Le ministre des affaires étrangères et du développement international et le ministre de l’intérieur ont présenté une communication relative à l’Agenda pour les migrations, publié le 13 mai par la Commission européenne.

La situation tragique des migrants en Méditerranée nécessite une réponse européenne, que la France appelle résolument de ses vœux. Cette réponse d’ensemble doit être fondée sur trois principes :

  • Le renforcement des contrôles aux frontières extérieures, pour assurer le bon fonctionnement de l’espace Schengen ;
  • La lutte résolue contre les trafiquants de migrants et les filières d’immigration clandestine ;
  • Le renforcement de la coopération et de l’aide au développement avec les pays source et les pays de transit, pour prévenir ces mouvements irréguliers.

Ce sont les trois axes que défend la France depuis un an et ce sont les axes de la déclaration adoptée au Conseil européen extraordinaire du 23 avril, convoqué notamment à la demande de la France. En complément à ces points, l’Agenda de la Commission européenne pour les migrations du 13 mai a proposé l’adoption de mesures de solidarité et de responsabilité, à brève échéance, ainsi qu’à moyen et à long termes.

S’agissant des propositions de court terme, la France a soutenu le renforcement de la présence de l’Union européenne en mer. Elle y prend toute sa part, par le doublement du nombre de ses experts, par la mise à disposition d’un navire patrouilleur, d’un remorqueur en haute mer et d’avions de surveillance. Concernant la lutte contre les trafiquants, la France, avec ses partenaires, travaille à l’adoption dans les meilleurs délais, au Conseil de sécurité des Nations Unies, d’une résolution permettant de neutraliser ou de rendre hors d’usage les navires utilisés par les trafiquants en haute mer et dans les eaux territoriales libyennes, après la décision le 18 mai d’établissement d’une opération navale dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC).

Sur la proposition de mettre en place un mécanisme temporaire de répartition dans l'Union européenne des demandeurs d’asile ayant un besoin manifeste de protection, comme l’ont souligné les autorités françaises au cours des derniers jours, la France est pleinement favorable à ce que ces personnes – et uniquement celles-là – puissent être, de manière temporaire et selon des paramètres à discuter de manière approfondie, répartis plus équitablement, depuis les pays de première entrée de l’Union européenne les plus exposés, entre les différents pays de l’Union européenne. Il n’est pas acceptable qu’au sein de l’Union, seulement cinq États fournissent 75 % de l’effort total des vingt-huit en matière de demande d’asile.

En revanche, la France est et restera opposée à toute idée de quotas en matière de demande d’asile, la demande d’asile étant un droit, attribué à partir de critères objectifs et ne pouvant faire l’objet d’un contingentement. Il ne peut non plus y avoir de quotas en matière d’immigration irrégulière, puisque les migrants irréguliers doivent, dès leur entrée sur le territoire de l’Union, faire l’objet de procédures de reconduite vers leurs pays d’origine.

Dans le même temps, le régime des règlements "Dublin" et "Eurodac" doit rester le socle de l’équilibre de l’espace Schengen, et leur pleine application est nécessaire, notamment dans les pays de première entrée. C’est la condition sine qua non pour une solidarité accrue. Il faut en particulier que les pays de première entrée respectent toutes leurs obligations en matière d’interception et d’identification des migrants, de traitement de la demande d’asile et de reconduite effective vers leur pays d’origine de ceux qui ne relèvent pas de l’asile. Dans ce contexte, la France soutient la proposition de la Commission d’établir des zones tampons ("hotspots"), gérés conjointement dans les États membres situés en première ligne, afin de favoriser l’enregistrement et l’identification rapide des migrants, l’examen aussi rapide que possible des demandes d’asile, le retour, par Frontex et en concertation avec les pays de provenance, de ceux qui ne peuvent prétendre à une protection internationale, ainsi que le démantèlement des réseaux.

Par ailleurs, la France examinera avec attention la recommandation de la Commission, fin mai, pour la réinstallation de 20 000 réfugiés depuis les zones de crise, en fonction notamment de la clef de répartition qui sera définie dans cette perspective, en tenant compte du niveau d’effort antérieur de chacun.

L’action de l’Union européenne doit en outre être renforcée en matière de prévention des flux migratoires illégaux, en lien avec les pays d’origine et de transit. L’accent doit être mis sur la sécurité des frontières, le contrôle des flux migratoires et la lutte contre les réseaux, mais aussi, à plus long terme, sur le développement de sources de revenus, afin de casser les logiques des filières de trafics. A cet égard, la France soutient la proposition de la Commission de mettre en place, au Niger, des centres de prévention des départs et d’aide au retour des migrants, sous l’égide de l’Organisation internationale pour les migrations, en pleine coopération avec les autorités nigériennes. L’identification et la mobilisation des financements européens nécessaires à ce projet devront intervenir rapidement. Sur tous ces aspects, la réunion à l’automne à Malte, d’un Sommet Union européenne-Afrique sera particulièrement importante.

Sur le long terme, la France soutient les projets de la Commission de réduire les incitations à la migration irrégulière et de construire une politique de retour efficace et crédible, avec l’appui de Frontex. La gestion des frontières doit également être améliorée, en renforçant notamment l’aspect opérationnel des activités de Frontex. Il est en outre indispensable que l’Union européenne progresse rapidement sur l’étude de faisabilité d’un système européen de gardes-frontières, demandée par le Conseil européen de juin 2014.

Il faut également répondre aux causes des migrations économiques et mieux mobiliser à cette fin les instruments de la politique de développement.

L’ensemble de ces propositions seront étudiées avec attention, en particulier dans la perspective du Conseil justice et affaires intérieures du 16 juin et du Conseil européen du 25 juin. La France sera pleinement impliquée dans ce travail, dans le souci de renforcer l’espace Schengen et de faire vivre les règles communes. Il est plus que jamais important que l’Union européenne avance dans cet état d’esprit, pour apporter une réponse globale aux défis migratoires.