Le profil et les parcours administratifs des étudiants primo-arrivants : des situations contrastées selon les pays d’origine

20 juin 2025

La France représente une destination privilégiée pour les étudiants internationaux, attirant chaque année un nombre croissant d'étudiants venant du monde entier. Ces derniers forment une population migratoire particulière, qui soit sort du territoire, soit se maintient en France, majoritairement pour exercer une activité professionnelle. Le motif des études est depuis 2022 le principal motif d’obtention d’un premier titre de séjour en France. En 2024, 70 % des étudiants ont moins de 25 ans, et plus de la moitié sont des femmes. Les parcours des étudiants étrangers révèlent des similarités marquées selon les zones géographiques d’origine. Un tiers de ces étudiants ne reste qu’une seule année, principalement ceux originaires des continents américain et asiatique, souvent dans le cadre de séjours courts ou d’échanges universitaires. En revanche, d’autres, notamment issus de pays d’Afrique francophone, prolongent leur séjour en renouvelant leur titre pour motif étudiant ou en changeant leur statut vers des motifs économiques ou familiaux.

  
Céline Zhu
Cette étude a été réalisée à la suite d’un stage de deuxième année effectué en 2024 par Mouhamed Diaw.
 

À partir des années 2000, la France a opéré une révision de sa politique migratoire en se dirigeant vers une immigration « choisie », visant à attirer des talents et à répondre aux besoins du marché du travail en s’inspirant de pays comme le Canada ou la Grande-Bretagne [1]. Cette réorientation s’est également manifestée dans l’accueil des étudiants internationaux, dont la mobilité a pris une place centrale dans les objectifs d’attractivité et de compétitivité de la France à l’échelle mondiale.

Les étudiants étrangers se distinguent du reste de la population étrangère par quelques particularités. D’abord, par l’importance du flux d’arrivées depuis 2022, car il s’agit de la principale voie d’entrée pour les ressortissants étrangers [2]. Ensuite, par la temporalité limitée de ce statut : un changement s’opère nécessairement à la fin des études, débouchant soit sur un départ soit sur un autre statut (économique, familial, etc.). Les études interviennent en général au début du parcours administratif en France – environ 1 % seulement des changements de statut entre 2023 et 2024 représentent des transitions inverses vers le motif étudiant - et caractérisent ainsi une étape précise : l’entrée imminente ou récente sur le territoire. Le statut d’étudiant n’est pas non plus synonyme d’installation durable sur le territoire, pouvant souvent relever uniquement d’une migration à court terme, dans le cadre de la complétude d’un cursus. Finalement, les étudiants peuvent également bénéficier d’un allégement des conditions d’obtention de la nationalité française, notamment en ce qui concerne la durée de la présence en France, conformément à l'article 21-18 du Code civil.

Connaître et mieux comprendre les parcours des étudiants primo-arrivants est essentiel pour mesurer l’attractivité de la France, mais aussi pour améliorer les politiques d’accueil, d’intégration et de suivi de ces étudiants en France. La présente étude, portant sur les années 2013 à 2023, se limite aux étudiants primo-arrivants ressortissants de pays tiers (donc hors Union européenne), à l’exclusion des Britanniques (Définitions).

 

La mobilité étudiante : une dynamique portée par le continent africain

Les étudiants primo-arrivants en 2023 proviennent de 149 nationalités différentes, issues de toutes les régions du monde. Parmi celles-ci, les nationalités marocaine, algérienne et chinoise représentent à elles seules presque trois étudiants primo-arrivants sur dix, et quinze nationalités regroupent 70,2 % des étudiants (Figure 1). En 2023, six étudiants primo-arrivants sur dix sont originaires d’Afrique ou du Moyen-Orient, la francophonie étant une caractéristique partagée par les principaux pays de ces régions. Plus d’un étudiant sur quatre vient du Maghreb et trois étudiants sur dix sont issus d’un pays d’Afrique subsaharienne, tel que le Sénégal (5,1 %), le Cameroun (5,0 %) ou la Côte d’Ivoire (4,1 %). Plus d’un étudiant sur 4 est originaire d’Asie et presque un sur six vient du continent américain. Les principaux pays non francophones représentés dans cette liste sont la Chine (7,2 %), les États-Unis (5,6 %) et l’Inde (4,9 %).

 

Figure 1 - Répartition par nationalité des étudiants primo-arrivants 2023 (en %)

Figure 1 - Répartition par nationalité des étudiants primo-arrivants 2023
   

Lecture : En 2023, 11,3 % des premiers titres de séjour pour motif étudiant ont été délivrés à des Marocains.
Champ : France/Ressortissants pays tiers, hors Britanniques.
Source : AGDREF/DSED.


Les étudiants constituent un tiers de l’ensemble des primo-arrivants, une proportion en légère hausse entre 2013 et 2023. La croissance des flux d’étudiants primo-arrivants sur cette période est principalement portée par l’Afrique subsaharienne, ayant connu un rythme de croissance soutenu et un effectif quasiment multiplié par trois sur la période (Figure 2). Les flux d'Afrique du Nord - Moyen-Orient sont deux fois plus élevés en 2023 qu’en 2013. Le nombre de primo-arrivant originaires d’Asie est légèrement en hausse sur la période, malgré un effet particulièrement marqué de la crise du Covid-19, laquelle a divisé par deux le flux d’arrivées en 2020 par rapport à 2019. Cette crise a en effet fortement freiné les mobilités internationales d’une façon générale, affectant particulièrement les flux d’étudiants asiatiques [3][4], ainsi que ceux originaires d’Amérique latine dans une moindre mesure. A l’inverse, le phénomène n’a pas eu d’effet visible sur les flux d’étudiants originaires du Maghreb ou du Moyen-Orient. Les pays européens hors UE inclus dans cette étude sont les seuls à avoir connu une diminution des effectifs, avec une baisse de 19 % entre 2013 et 2023.

La hausse sur la seule année 2023 se concentre sur l’Afrique subsaharienne, l’Asie et l’Afrique du Nord - Moyen-Orient.

 

Figure 2 - Nombre d'étudiants primo-arrivants depuis 2013 par zone géographique d'appartenance

Figure 2 - Nombre d'étudiants primo-arrivants depuis 2013 par zone géographique d'appartenance
   

Lecture : En 2013, 11 229 premiers titres de séjour pour motif étudiant ont été délivrés à des étudiants originaires d'Afrique subsaharienne.
Champ : France/Ressortissants pays tiers, hors Britanniques.
Source : AGDREF/DSED.


Les étudiants primo-arrivants : une population de plus en plus jeune et à majorité féminine

 

La population des étudiants primo-arrivants en France présente deux grandes caractéristiques, dont l’intensité s’est accentuée au cours des deux dernières décennies. D’une part, cette population est de plus en plus jeune, avec près de sept sur dix étudiants primo-arrivants en 2023 âgés de moins de 25 ans, alors que cette proportion était de 61 % en 2009 [5]. D’autre part, la féminisation de la population des étudiants étrangers s’est poursuivie continuellement depuis le début des années 2000 pour atteindre une part de femmes de 53,4% en 2023 [5].

Les profils des étudiants varient selon les zones géographiques (Figure 3). La région d’Amérique du Nord-Océanie se caractérise par une surreprésentation d’étudiants dans l’ensemble des primo-arrivants (un sur deux), ainsi que par une population comparativement plus souvent jeune (83,8 % de moins de 25 ans) et féminine (70,1 % de femmes).

Les étudiants d’Europe hors UE-27 sont aussi caractérisés par une forte majorité féminine (67,2 %), mais à la différence du groupe précédent, ils constituent une minorité parmi tous les primo-arrivants de la même origine géographique (13,1 %), d’autres voies d’entrée sur le territoire étant privilégiées.

La part des femmes est également supérieure à la moyenne en Asie et en Amérique latine (autour de 58 %). La population d’étudiants primo-arrivants d’Afrique subsaharienne est par contre majoritairement masculine (55,5% d’hommes).

 

Figure 3 - Caractéristiques des étudiants primo-arrivants 2023 par zone géographique (en %)

Figure 3 - Caractéristiques des étudiants primo-arrivants 2023 par zone géographique
   

Lecture : 32,1 % des primo-arrivants d’Afrique du Nord Moyen-Orient sont titulaires d’un premier titre de séjour pour motif étudiant.
Champ : France/Ressortissants pays tiers, hors Britanniques.
Source : AGDREF/DSED.


Les profils observés sont relativement homogènes d’un pays à l’autre en Amérique du Nord - Océanie et en Europe (Figure 4). En Amérique du Sud, la part des femmes parmi les étudiants primo-arrivants est globalement similaire entre les pays, tandis que la part des étudiants parmi les primo-arrivants varie beaucoup.

 

En revanche, les profils sont plus variés en Asie. En Asie de l’Est (Corée du Sud, Taïwan), plus de trois primo-arrivants sur quatre sont étudiants, et plus de sept étudiants sur dix sont des femmes. Des profils similaires, mais moins marqués sont observés au Japon, en Chine et au Vietnam. Les étudiants venant du sous-continent indien sont en revanche majoritairement des hommes. Le Bangladesh, le Pakistan ou la Turquie se distinguent par la faible représentation des étudiants parmi l’ensemble des primo-arrivants en France (moins d’un sur quatre).

Le Maghreb, qui concentre un quart des étudiants primo-arrivants, présente des caractéristiques proches de la moyenne : la répartition selon le sexe y est équilibrée, et les étudiants constituent environ un tiers des étrangers arrivant en France depuis cette zone géographique.

En Afrique subsaharienne, les femmes sont peu représentées parmi les étudiants primo-arrivants mais les motifs d’entrée sur le territoire varient selon les pays. La quasi-totalité des pays d’Afrique noire se situent en-dessous de la moyenne, avec une population particulièrement masculine pour le Tchad, le Niger (plus de sept étudiants sur dix), ou encore la Guinée et le Mali. Pour ces deux derniers pays, ainsi que pour le Congo (RDC), moins d’un primo-arrivant sur cinq est étudiant, à la différence du Togo et du Bénin où cette part est proche de 75 %.

Au Moyen-Orient, des écarts marqués sont constatés entre certains pays, comme l’Arabie Saoudite et l’Iran, où la part de femmes atteint respectivement 23 % et 65 %, ou encore entre la Syrie et le Qatar, pays prenant des valeurs extrêmes en termes de part des étudiants parmi les primo-arrivants de ces pays.

 

Figure 4 - Part d’étudiants et part de femmes parmi les étudiants primo-arrivants en 2023, par pays (en %)

Figure 4 - Part d’étudiants et part de femmes parmi les étudiants primo-arrivants en 2023, par pays
   

Lecture : 33 % des primo-arrivants du Maroc sont titulaires d’un titre de séjour pour motif étudiant et 50 % des étudiants primo-arrivants sont des femmes.
Note : La taille des libellés des pays est proportionnelle au nombre d’étudiants primo-arrivants : un libellé plus grand indique un effectif plus élevé.
Champ : France/Ressortissants pays tiers comptabilisant plus de 39 étudiants primo-arrivants en 2015, hors Britanniques.
Source : AGDREF/DSED.


Après un premier portrait des étudiants primo-arrivants en 2023, l’analyse suivante se concentre sur la génération 2015, dont les parcours sont déjà terminés ou, tout au moins, largement avancés. Ce choix de population permet ainsi d’examiner le devenir de ces étudiants après expiration de leur premier titre de séjour sur une période prolongée. Cette cohorte est également suffisamment éloignée de la pandémie pour observer des années non perturbées par la crise sanitaire.

 

Quatre étudiants primo-arrivants sur dix ne restent qu’une année

Parmi les primo-arrivants de 2015, plus d’un tiers (37 %) n’étaient plus présents dans les bases administratives (encadré 2) l’année suivante, ce qui suggère que de nombreux étudiants viennent pour des séjours courts, notamment dans le cadre de programmes d’échange (Figure 5). Cette tendance n’est pas nouvelle : une étude réalisée sur les étudiants étrangers inscrits pour la première fois en France dans le système universitaire en 2007-2008 avait déjà révélé que la moitié d’entre eux suivaient un parcours dit « unitaire », ne s'inscrivant qu'une seule année [6]. Néanmoins, dans les huit ans qui séparent ces deux cohortes analysées, la tendance est à la prolongation du séjour en France. Les départs ralentissent considérablement après cette première année : entre 2016 et 2023, près d’un tiers (31,5 %) des étudiants de 2015 ont quitté les bases administratives. Une fois passée la première année, ceux qui prolongent leur séjour ont tendance à rester plus durablement. Parmi eux, beaucoup changent de statut au fil des années, abandonnant progressivement le titre étudiant. Fin 2023, trois étudiants primo-arrivants de 2015 sur dix (31,5 %) sont encore présents sur le territoire.

 

Changements de statut : une majorité vers le motif économique

Parmi les étudiants primo-arrivants de 2015 présents en France huit ans après l’obtention de leur premier titre, neuf sur dix ont changé de motif de séjour. Le motif économique reste le changement de motif le plus fréquent sur toute la période observée. Trois ans après leur arrivée sur le territoire français, 31,6 % des étudiants sont titulaires d’un titre pour motif économique (Figure 6). Cette proportion progresse au fil des années, dépassant les 50 % en 2021, puis atteint un maximum de 55,3 % en 2022, traduisant la volonté d’insertion professionnelle de ces étudiants sur le marché de travail français. Ce constat contraste avec la cohorte de 2002 étudiée par Ménard et Papon, où le motif familial était majoritaire parmi les étudiants étrangers restés en France [7]. En fin de période, la transition vers le motif économique se stabilise autour de 55 %, tandis que les changements vers le motif familial continuent d’augmenter, passant de 15,9 % à 31,1 % entre 2020 et 2023.

 

Figure 5 - Suivi des étudiants primo-arrivants 2015

Figure 5 - Suivi des étudiants primo-arrivants 2015
   

Lecture : En 2016, un an après l'obtention de leur premier titre de séjour, 58,1 % des étudiants primo-arrivants conservent un titre de séjour pour motif étudiant.
Champ : France/Ressortissants pays tiers, hors Britanniques.
Source : AGDREF/DSED.


Figure 6 – Répartition des motifs de titres de séjour parmi les étudiants primo-arrivants 2015 titulaires d’un titre valide

Figure 6 – Répartition des motifs de titres de séjour parmi les étudiants primo-arrivants 2015 titulaires d’un titre valide
    

Lecture : En 2016, un an après l'obtention de leur premier titre de séjour, 6,3 % des étudiants primo-arrivants encore titulaires d’un titre de séjour valide disposent d’un titre pour motif économique.
Champ : France/Ressortissants pays tiers, hors Britanniques.
Source : AGDREF/DSED.


Départs plus fréquents des étudiantes, transition vers un motif économique pour les étudiants

Entre 2016 et 2023, l’évolution des statuts des étudiants primo-arrivants, présente des tendances similaires selon le sexe (Figure 7).

Cependant, la part des étudiants primo-arrivants sortis des bases administratives est plus élevée chez les femmes, avec un écart de + 7 points environ par rapport aux hommes (40,6 % contre 33,1 %) au bout d’un an. Par ailleurs, le changement de statut vers le motif économique est plus fréquent chez les hommes, passant de 4,7 % en 2016 à 20,1 % en 2023, tandis que chez les femmes, il progresse de 3,3 % à 14,9 % sur la même période.

La proportion de femmes avec un statut « Familial » est très légèrement supérieure aux hommes, à la fois un an après l’arrivée sur le territoire, et huit ans plus tard.

 

Figure 7 - Suivi des étudiants primo-arrivant de la génération 2015 par sexe

Figure 7 - Suivi des étudiants primo-arrivant de la génération 2015 par sexe
     

Lecture : En 2016, un an après leur arrivée sur le territoire, 54,9% des étudiantes maintiennent un titre de séjour pour motif étudiant.
Champ : France/Ressortissants pays tiers, hors Britanniques.
Source : AGDREF/DSED.


Une diversité des parcours selon les pays d’origine

A l’instar de la cohorte 2023, l’observation pour la cohorte 2015 des 12 premières nationalités révèle de façon emblématique la variété des trajectoires selon les pays d’origine (Figure 8).

Les étudiants des États-Unis, de Corée du Sud, du Brésil et du Mexique quittent majoritairement les bases administratives après une année, avec des taux de sortie dépassant 60 %. Ce faible changement de statut est également caractéristique des étudiants chinois, même s’ils prolongent leur séjour tout en conservant leur statut étudiant.

 

Chez les étudiants libanais, les transitions vers le statut économique sont plus fréquentes : 40 % de ceux qui conservent un titre de séjour obtiennent ce statut deux ans après leur arrivée. Les étudiants indiens affichent une proportion encore plus élevée, près de six sur dix (56 %) obtenant un titre pour motif économique après deux ans, mais quittent plus rapidement les bases par la suite. Pour plus d’un étudiant sur deux issus des pays d’Afrique francophone (Maroc, Tunisie, Algérie, Sénégal, Cameroun), le parcours reste inachevé après 8 ans. Ces étudiants suivent souvent des études longues et, pour certains, changent de statut, principalement vers le motif économique. Les étudiants algériens, se distinguent par une proportion plus élevée de transitions vers le motif familial.

 

Figure 8 – Suivi de la génération 2015 des étudiants primo-arrivants par nationalité

Figure 8 – Suivi de la génération 2015 des étudiants primo-arrivants par nationalité
      

Lecture : En 2016, un an après l'obtention de leur premier titre de séjour, 76,2 % des étudiants primo-arrivants algériens conservent un titre de séjour pour motif étudiant.
Champ : France/Ressortissants des nationalités suivantes : algérienne, brésilienne, camerounaise, chinoise, coréenne, américaine, indienne, libanaise, marocaine, mexicaine, sénégalaise et tunisienne.
Source : AGDREF/DSED.


Cinq classes de parcours selon le pays d’origine

La première section a dressé un portrait initial des étudiants primo-arrivants, en mettant en lumière leurs décisions de rester étudiants, de changer de statut (économique ou familial), ou de quitter le territoire. Ces parcours varient selon les zones géographiques d’origine et soulèvent plusieurs questions : certains profils quittent-ils plus rapidement le territoire ? La francophonie joue-t-elle un rôle dans l’attractivité et le maintien des étudiants sur le sol français ? L’analyse des pays retenus dans le cadre de l’étude permet de les regrouper en cinq classes (Encadré 1), chacune reflétant des dynamiques spécifiques (Figure 10).

 

Des parcours prolongés

La première classe regroupe principalement des pays d'Afrique subsaharienne francophone, anciens territoires colonisés par la France (Figure 9). Les étudiants de ces pays représentent 22,6 % des étudiants primo-arrivants. Relativement aux étudiants originaires des pays des autres classes, ils se distinguent par des parcours plus longs : seulement 31 % ont quitté les bases administratives 5 ans après leur arrivée sur le territoire (27 points de moins que la moyenne) (Figure 10). En moyenne, un étudiant sur quatre conserve son statut étudiant après cinq ans (+ 11 points par rapport à la moyenne), et 5 % d’entre eux le conservent même après huit ans (+ 2 points). Leur présence sur le territoire est souvent motivée par la volonté de suivre un cursus complet en France – du baccalauréat jusqu’à l’obtention d’un diplôme - et/ou par une perspective d’installation sur le territoire. Cette tendance a déjà été observée pour la cohorte de 2002, où les étudiants venus d'Afrique se caractérisaient par des séjours prolongés [5][7]. Après huit ans, plus d’un quart des étudiants de 2015 de cette classe ont un titre économique (27 % soit 10 points au-dessus de la moyenne) et plus d’un sur cinq ont un statut familial (23 % soit 13 points au-dessus de la moyenne).

 

Des changements de statut pour motif économique

Trois étudiants primo-arrivants sur dix sont originaires des pays regroupés dans la classe 2 : principalement le Maroc, la Tunisie, l’Inde, le Liban et le Cameroun, ainsi que d’autres pays du Moyen-Orient et de la péninsule indienne. Cinq ans après l’obtention de leur premier titre, plus de quatre étudiants sur dix ne figurent plus dans les bases administratives, soit un écart de - 14 points par rapport à la moyenne. Leur parcours se caractérise par un changement de statut fréquent vers un motif économique : cinq ans après leur arrivée, 36 % des étudiants de 2015 ont obtenu un titre pour ce motif (15 points au-dessus de la moyenne), un taux qui recule à 26 % après huit ans mais reste 9 points au-dessus de la moyenne.

 

Des parcours essentiellement scolaires, pour des étudiants masculins

La troisième classe regroupe exclusivement des étudiants originaires de pays de la péninsule arabique. Cette population représente une part très faible de l’ensemble, mais se distingue de façon très nette à la fois par la faible proportion de femmes (13 %, soit - 39 points par rapport à la moyenne), ainsi que par le caractère quasi-exclusivement scolaire de leur parcours. Ces pays d’origine se caractérisent par une présence très minoritaire d’étrangers primo-arrivants pour d’autres motifs (moins de 20 %). Les étudiants suivent principalement des parcours d’études courts et changent relativement peu de motif de titre de séjour par rapport aux étudiants des autres pays. Par ailleurs, ils s’installent rarement en France : cinq ans après l’obtention de leur premier titre de séjour, plus de huit étudiants sur dix (85 %) n’ont plus de titre de séjour actif, tandis que ceux qui restent sont toujours étudiants (14 %).

 

Des changements de statut et des départs progressifs, pour des étudiantes

Représentant 23,4 % des étudiants, la quatrième classe regroupe principalement la Chine (près de 6 étudiants sur 10 de la classe), l’Europe de l’Est hors UE (Russie, Ukraine, Biélorussie), l’Asie du Sud-Est et certaines régions d’Amérique latine (Figure 9). Majoritairement femmes (65 % des effectifs, soit 14 points au-dessus de la moyenne), les étudiants des pays de cette classe ne s’installent pas fréquemment en France : cinq ans après, plus de sept étudiants de 2015 sur dix ne figurent plus dans les bases administratives. Parmi ceux arrivés en 2015, les changements de statut sont nombreux : après huit ans, un étudiant sur dix détient un titre pour motif économique, et 5 % pour motif familial.

 

Des parcours de très courte durée

Cette dernière classe, regroupant 22,7 % des étudiants primo-arrivants, inclut majoritairement des étudiants de pays de l’OCDE (Amérique du Nord, Australie, Japon, Corée du sud) et d’Amérique latine (Mexique, Brésil) – des pays caractérisés par un indice de développement humain élevé (Figure 10). Ces étudiants se distinguent par des séjours courts : en moyenne, quatre sur dix détiennent un titre de séjour avec une durée de validité inférieure à un an. Sept étudiants sur dix sortent des bases administratives dès la première année, et c’est le cas de près de neuf étudiants sur dix au bout de cinq ans (+ 29 points par rapport à la moyenne). Cette tendance à repartir rapidement, observée notamment chez les étudiants d'Amérique du Nord et d'Océanie, n'est pas nouvelle : elle avait déjà été repérée avec les cohortes de 2002 et 2009 [5][7]. Ces séjours s’inscrivent souvent dans le cadre de programmes d’échanges, axés sur l’expérience internationale, et visent souvent à compléter un parcours de formation initié dans leur pays d’origine. À l’instar de la classe précédente, cette classe se caractérise par une forte proportion d’étudiantes (+ 11 points par rapport à la moyenne).

 

Figure 9 - Carte des pays du monde par classe

Figure 9 - Carte des pays du monde par classe
      

Lecture : Le Canada fait partie de la cinquième classe.
Champ : France/Ressortissants pays tiers comptabilisant plus de 39 étudiants primo-arrivants en 2015, hors Britanniques.
Source : DSED.


Figure 10 - Description des classes de pays issues de la classification ascendante hiérarchique

 
                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                     
Classe 1 (22,6 %)Classe 2 (29,5 %)Classe 3 (0,6 %)Classe 4 (23,4 %)Classe 5 (22,7 %)Global
Part d'étudiants parmi les primo-arrivants21,530,080,544,445,432,2
Part de femmes parmi les étudiants primo-arrivants38,943,113,265,363,151,8
Taux de sortie à 1 an17,223,946,639,570,336,9
Taux de sortie à 5 ans30,542,985,372,186,257,2
Taux de maintien au statut étudiant à 1 an78,467,153,057,727,258,2
Taux de maintien au statut étudiant à 5 ans24,615,314,311,74,414,1
Taux de maintien au statut étudiant à 8 ans4,92,73,12,21,22,8
Taux de maintien sur le territoire :
 -  au statut économique à 5 ans28,735,70,411,65,421,2
 -  au statut économique à 8 ans27,426,01,110,84,117,5
 -  au statut familial à 5 ans14,55,20,04,33,86,8
 -  au statut familial à 8 ans22,78,60,25,23,79,9
Part de pays francophone88,916,00,00,05,923,6
Part d'anciennes colonies françaises77,840,00,00,00,027,0
Indice de développement humain (IDH) moyen des pays en 20220,530,640,850,740,860,70
Part des étudiants avec un titre de séjour d’une durée de validité inférieure à 1 an5,910,213,218,240,918,5
     

Lecture : La part moyenne de femmes parmi les étudiants primo-arrivants des pays de la première classe est de 21,5 %.
Note :Le rapport annuel de l'IDH, publié par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), n'inclut pas Taïwan, car ce dernier n'est plus membre de l'ONU.
L’IDH du pays en 2022 a été estimé par le Bureau national des statistiques de Taïwan, selon la méthodologie de 2010 du PNUD.
Les variables dont la moyenne dans la classe est significativement différente au seuil de 5 % de la moyenne dans l’ensemble de la population sont indiquées en couleur : bleu si supérieure, vert si inférieure.
Champ : France/Ressortissants pays tiers comptabilisant plus de 39 étudiants primo-arrivants en 2015, hors Britanniques.
Source : AGDREF/DSED et PNUD.


Encadré 1 –Construction d’une typologie des parcours des étudiants primo-arrivants [8]

 

La typologie des parcours des étudiants primo-arrivants a été construite en deux étapes complémentaires : la mesure des distances entre les parcours et le regroupement de ces parcours en groupes homogènes grâce à une méthode de classification.

Première étape : mesure des distances entre individus

Pour évaluer les ressemblances entre les parcours, une Analyse en Composantes Principales (ACP) a été réalisée. L’ACP est une méthode d’analyse statistique multidimensionnelle qui résume et hiérarchise l’information contenue dans un tableau de données (individus x variables quantitatives). Elle repose sur la création de nouvelles variables synthétiques, appelées composantes principales, qui expliquent une part maximale de la variabilité initiale tout en étant en nombre réduit. Ainsi, elle permet d’étudier les ressemblances entre individus selon l’ensemble des variables et identifier des profils distincts au sein de la population étudiée.

Les coordonnées des individus sur les axes factoriels obtenus (représentant les composantes principales) servent ensuite de base pour l’étape de classification.

Deuxième étape : regroupement en groupes homogènes

À partir des coordonnées factorielles issues de l’ACP, une Classification Ascendante Hiérarchique (CAH), utilisant la méthode de Ward, a été appliquée. Cette méthode vise à maximiser l’inertie interclasse et minimiser l’inertie intra classe. L’objectif est de constituer des groupes les plus homogènes possibles, regroupant des individus aux caractéristiques similaires, tout en s’assurant que les groupes eux-mêmes soient bien distincts.

De cette analyse statistique, une typologie en cinq classes se dégage.

 

Tableau 1 – Synthèse de la typologie des pays

 
                                                                                                                                                                                                                                    
ClassesEffectif (en %)Part d'étudiants (en %)Pays représentatifs
Classe 120,222,6Bénin, Togo, Madagascar
Classe 228,129,5Vietnam, Ethiopie, Népal
Classe 34,50,6Koweït, Qatar, Arabie Saoudite
Classe 428,123,4Kazakhstan, Ouzbékistan, Colombie
Classe 519,122,7Brésil, Taïwan, Japon
     

Lecture : La première classe regroupe 20,2 % des pays et représente 22,6 % des étudiants primo-arrivants
2015.
Note : Les 55 pays envoyant le moins d'étudiants primo-arrivants, regroupant seulement 1 % des étudiants,
ont été exclus de la construction de la typologie et intégrés dans les classes a posteriori. Ces pays sont
ceux dont le nombre d'étudiants primo-arrivants en 2015 est inférieur ou égal à 39.
Les pays représentatifs mentionnés pour chaque classe sont les plus proches du centre du cluster.
Champ : France / Ressortissants de pays tiers comptabilisant plus de 39 étudiants primo-arrivants en 2015,
hors Britanniques.
Source : DSED.

 

Encadré 2 – Application de Gestion des Dossiers des Ressortissants Etrangers en France (AGDREF) [7]

 

Mise en service en 1993 (décret du 29 mars 1993), AGDREF permet aux utilisateurs des préfectures et de l'administration centrale de gérer et consulter les dossiers des étrangers en France. Initialement conçu pour la production de titres de séjour, il a été enrichi en 2001 par une base de données pour la production de statistiques sur l'immigration. Les chiffres publiés sont basés sur les titres de séjour délivrés et sont influencés par les évolutions législatives sur le droit au séjour.

Dans le cadre de cette étude, seules les personnes soumises à l’obligations de détenir un titre de séjour sont comptabilisées, excluant par exemple les ressortissants de l’Union Européenne et mineurs, sauf cas exceptionnel.

Les « flux » de titres d’une année correspondent aux titres dont la date de début de validité se situe entre le 1ᵉʳ janvier et le 31 décembre de l’année considérée. Les « stocks » sont définis, pour une année donnée, comme l’ensemble des titres valides au 31 décembre. 

La base de suivi longitudinal mobilisée dans cette étude est constituée du flux des individus ayant obtenu, en 2015, un premier titre de séjour pour motif étudiant. Elle retrace leurs situations administratives successives au 31 décembre de chaque année jusqu’en 2023, en s’appuyant sur les stocks. Par ailleurs, la date de début de validité d’un premier titre de séjour délivré ne correspond pas nécessairement à une arrivée physique sur le territoire à cette même date. L’entrée en France peut avoir eu lieu antérieurement, ce que révèlent des situations telles que l'admission exceptionnelle au séjour (AES) [2]. La proportion d'étudiants ayant reçu un premier titre de séjour étudiant en 2015, mais déjà présents sur le territoire depuis plus de 180 jours avant le début de validité de leur titre est estimée inférieure à 6 %. Ces résultats sont confirmés pour les étudiants ayant reçu un premier titre de séjour étudiant en 2019 ou en 2023. La faiblesse de ce taux permet de considérer tous ces étudiants comme « primo-arrivants ».

De même, une sortie de la base administrative ne signifie pas nécessairement une sortie du territoire français, un ressortissant pouvant rester en France après l’expiration de son titre, en attente de son renouvellement par exemple.

Il est à noter que, la délivrance d’un titre d’une catégorie donnée à un étranger qui possédait déjà un titre mais d’une catégorie différente, est considérée comme un renouvellement et non comme une première délivrance pour cette catégorie.

Une délivrance de titre de séjour est considérée comme une première délivrance :

  • si aucun titre de séjour antérieur ne figure au dossier de l’intéressé ;
  • lorsqu’il s’est écoulé une période d’un an ou plus entre la date de fin de validité d’un titre antérieur et la date de début de validité du titre délivré.
 

Définitions

Champ :La présente étude porte sur les étudiants primo-arrivants.Les primo-arrivants sont définis comme des personnes originaires de pays tiers, c’est-à-dire de pays situés en dehors de l’Union européenne (UE), de l’Espace économique européen (EEE) et de la Confédération suisse, ayant obtenu un premier titre de séjour. En effet, selon l'article L. 121-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), les ressortissants européens ne sont pas tenus de détenir un titre de séjour.

Les titres de séjour peuvent être délivrés pour cinq motifs différents : étudiant, économique, familial, humanitaire et divers. Dans le cadre de cette étude, les motifs « humanitaires » et « divers » ont été regroupés sous la catégorie « autres ». Les étudiants primo-arrivants sont ceux ayant obtenu leur premier titre de séjour pour motif étudiant. Ils constituent un sous-ensemble des étudiants étrangers, distinct de ceux déjà présents en France pour d'autres motifs ou ayant renouvelé leur titre de séjour. La présente étude exclut les Britanniques pour neutraliser l’effet du Brexit intervenu en 2021 durant la période d’observation 2013-2023 de cette étude. 2023 est la dernière année de données définitives disponibles pour les délivrances de titres de séjour. Néanmoins, des estimations pour 2024 ont pu être faites pour actualiser certains ratios en première page uniquement. Elles viennent confirmer les tendances de 2023.

Taux de maintien sur le territoire : Ce taux correspond, dans le cadre de cette étude, au pourcentage d’étudiants primo-arrivants de 2015 disposant toujours d’un titre de séjour, quel que soit sa mention. Par exemple, le taux de maintien au statut étudiant correspond à la part des étudiants primo-arrivants de 2015 qui conservent un titre de séjour mention « étudiant ».

Taux de sortie :Ce taux correspond, dans le cadre de cette étude, au pourcentage d’étudiants ne détenant plus de titre de séjour, qu'ils soient encore présents sur le territoire ou non. Il est le complémentaire du taux de maintien sur le territoire.

 

Pour en savoir plus

[1] Viprey, Mouna. « Immigration choisie, immigration subie: du discours à la réalité. », La Revue de l'Ires 64.1 : 149-169, 2010.

[2] Ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, « Les titres de séjour », L’essentiel de l’immigration n°2025-123,DGEF-DSED, 2025.

[3] Campus France, « Chiffres clés de la mobilité étudiante dans le monde », Agence française pour la promotion de l’enseignement supérieur, l’accueil et la mobilité internationale, 2022.

[4] Bodelin L., Vinet L., Ndao G., « Les effectifs d’étudiants étrangers en mobilité internationale pendant la pandémie et un an après », Note d’information du SIES n°22.11, MSER-SIES, décembre 2022.

[5] Ménard S., Papon S., « Etudier en France : le choix de plus de 50 000 étrangers chaque année », Infos migrations, n° 27, 2011.

[6] Rogel O., Marlat D., Algava E., « Le parcours dans le système universitaire français des étudiants étrangers en mobilité internationale », Note d’information du SIES n°16.9, MENESR DGESIP/DGRI-SIES, décembre 2016.

[7] Ménard S., Papon S., « Le devenir des étudiants étrangers en France », Infos migrations, n° 29, 2011.

[8] Robette Nicolas, « Explorer et décrire les parcours de vie: les typologies de trajectoires. » Ceped, 2011.

 

Références