Historique du droit de la nationalité française

12 mars 2013

Le droit de la nationalité française s’est construit au fil des siècles parallèlement à la construction de la nation française. Il a évolué en fonction des intérêts démographiques, économiques et politiques de la France.

Ce droit repose sur une combinaison originale du droit du sang (naître d’un parent Français) et du droit du sol (être né sur le territoire français).


I - Devenir Français sous l’Ancien régime et jusqu’à nos jours
  • Sous l’Ancien régime : devenir sujet du roi

Sous l’Ancien régime, seul le roi peut délivrer des « lettres de naturalité » conférant aux « aubains » (étrangers vivant sur le territoire) la qualité de « régnicoles » (sujets du roi). A la veille de la Révolution, le « jus sanguinis » (droit du sang) et le « jus soli » (droit du sol) se combinent.

  • 1789 : Apparition de la notion de citoyen

Avec la révolution de 1789, apparaît la notion de citoyen et de celle des droits et devoirs du citoyen qui lui sont attachés. La qualité de citoyen est accordée aux étrangers qui rendent service à la République à condition de résider en France et de prêter serment. Le droit du sang est atténué pour les enfants de Français qui naissent à l’étranger afin d’écarter de la nation française ceux qui ont émigré pour fuir la révolution.

En 1804, le code civil revient sur ces dispositions pour permettre aux émigrés et à leurs enfants de revenir en France et institue la possibilité pour tout étranger, né en France, d’acquérir la nationalité française à sa majorité (21 ans).

  • 1851 : Instauration du double droit du sol

La révolution industrielle attire de nombreux étrangers (Belges, Suisses, Allemands) venant travailler en France alors que les pouvoirs publics commencent à s’inquiéter de la diminution de la population française.

C’est pourquoi en 1851, les conditions d’attribution de la nationalité française sont assouplies afin d’augmenter le nombre de Français. Est alors institué le double droit du sol : est Français à la naissance tout individu né en France d’un parent étranger qui y est lui-même né (article 19-3 du code civil toujours en vigueur). La loi laisse cependant aux bénéficiaires du double droit du sol la faculté de répudier la nationalité française à leur majorité par déclaration. Cette faculté sera supprimée par la loi du 26 juin 1889.

  •  1889 : Assouplissement des règles d’acquisition de la nationalité française

La défaite de 1871, la perte de l’Alsace-Lorraine, l’esprit de revanche à l’encontre de l’Allemagne conduisent à renforcer l’évolution amorcée en 1851 afin d’augmenter le nombre de Français et donc de soldats. Un ressentiment d’autant plus vif se manifeste à l’encontre des jeunes étrangers parce qu’ils échappent au service militaire, d’une durée de 3 ans à l’époque.

La loi de 1889 dispose donc que, seront français les jeunes étrangers nés en France et qui, à l’époque de leur majorité, sont domiciliés en France, à moins qu’ils aient décliné la nationalité française dans l’année précédent leur majorité.

  •  1919 : Appel massif à la main d’œuvre étrangère

Après la première guerre mondiale qui a entraîné la mort d’un million et demi d’hommes et laissé plus de 2 millions d’handicapés, la France fait massivement appel à la main d’œuvre étrangère. Afin de faciliter l’intégration de ces étrangers, la loi du 10 août 1927 facilite l’accès à la nationalité française (la durée de résidence est réduite à 3 ans). Elle dispose surtout que les enfants nés d’une mère française et d’un père étranger, situation très fréquente, sont Français.

 De 1927 à 1938, le nombre des naturalisations s’élève à 38 000 par an en moyenne, jusqu’à atteindre 81 000 en 1938.

  •  1940 : Suspension des naturalisations

Reprochant à la loi de 1927 « d’avoir fait des Français trop facilement », le gouvernement de Vichy suspend de fait les naturalisations.

La loi du 22 juillet 1940 (annulée en 1944) pose le principe d’une révision générale des naturalisations accordées depuis 1927. La nationalité française peut être retirée par décret après avis d’une commission dont la composition et le mode de fonctionnement sont fixés par arrêté du Garde des Sceaux. 500 000 dossiers sont ainsi réexaminés et la nationalité française est retirée à 15 000 personnes, d’origine juive en grande partie.

Par ailleurs, en vertu de la loi du 23 juillet 1940, de nombreux résistants (le général de Gaulle, Philippe Leclerc de Hautecloque, Pierre Mendès-France…) sont déchus de la nationalité française.

  •  1945 : Annulation des lois de Vichy

Après la libération, le gouvernement du général de Gaulle rétablit la légalité républicaine en annulant la plupart des lois de Vichy et promulgue, le 19 octobre 1945, le code de la nationalité française. Les naturalisations vont d’abord récompenser les étrangers qui ont participé à la résistance puis devenir un instrument de la politique de la population.

  •  1973 : Modification du code de la nationalité

La loi du 9 janvier 1973 modifie le code de la nationalité pour tenir compte de l’accession à l’indépendance de la plupart des territoires qui constituaient l’Union Française. Le code de la nationalité est alors harmonisé avec les grandes réformes du code civil, qui consacre l’égalité des époux dans le mariage et celle des enfants légitimes et naturels.

  •  1984 : Fin des incapacités pour les étrangers naturalisés Français

La loi du 7 mai 1984 supprime les incapacités qui subsistaient en matière civique pour les naturalisés (délai avant d’être éligible par exemple) et instaure un délai de 6 mois après le mariage pour souscrire une déclaration de nationalité.

  •  1993 : Réintroduction du code de la nationalité dans le code civil

La loi du 22 juillet 1993 réintroduit le code de la nationalité dans le Code civil.

Elle supprime l’application du double droit du sol pour les ressortissants des pays anciennement sous souveraineté ou tutelle française. Le délai pour acquérir la nationalité française à raison du mariage avec un Français est porté à 2 ans.

Elle institue, pour les jeunes étrangers nés en France et y résidant, l’obligation, pour devenir français, d’effectuer une démarche administrative, dite « manifestation de volonté », entre 16 et 21 ans.

L’objectif de cette réforme est de redonner du sens au droit de la nationalité en restreignant ou supprimant certains modes d’acquisition de la nationalité française.

  •  1998 : Rétablissement du principe de l’acquisition de plein droit de la nationalité française

La loi du 16 mars 1998 réforme à nouveau le droit de la nationalité.

Elle rétablit le principe de l’acquisition de plein droit de la nationalité française pour les jeunes étrangers nés en France et y résidant depuis au moins 5 ans, et leur permet, s’ils remplissent les conditions de résidence, de demander, dès l’âge de 16 ans, à devenir français. Les parents peuvent effectuer cette demande pour leur enfant dès qu’il atteint 13 ans.

Par ailleurs, le délai permettant l’acquisition par mariage est ramené à 1 an.

La loi facilite l’acquisition de la nationalité française par les réfugiés statutaires et améliore les modalités de preuve de la nationalité française.

  •  1999 : Français « par le sang versé »

Votée à l’unanimité, la loi du 29 décembre 1999 permet aux légionnaires étrangers blessés au combat de devenir français de plein droit, sur proposition du ministre de la défense. En cas de décès du légionnaire, ses enfants mineurs et résidant avec lui peuvent également acquérir la nationalité française.

  • 2003 : Renforcement de l’adhésion aux valeurs et règles de droit républicaines

La loi du 26 novembre 2003 introduit la connaissance des droits et devoirs conférés par la nationalité française comme nouveau critère d’appréciation de l’assimilation à la communauté française. L’acquisition de la nationalité par mariage est plus strictement encadrée. Le délai de communauté de vie après le mariage est porté à 2 ans quand le couple réside en France depuis au moins 1 an. Sinon, il est porté à 3 ans. La preuve doit être faite que cette communauté de vie ne se réduit pas à une simple cohabitation mais qu’elle est « affective et matérielle ».

La connaissance suffisante de la langue française devient une condition de recevabilité de la déclaration.

  •  2006 : Promotion d’une immigration et d’une intégration réussies et lutte contre l’immigration illégale

C’est dans cet esprit que la loi du 24 juillet 2006 relative à l’immigration et à l’intégration allonge à 4 ans le délai de communauté de vie après le mariage quand le couple réside en France depuis au moins 3 ans. Le délai d’opposition du gouvernement est porté de 1 à 2 ans. C’est également le sens de la suppression des dispenses de stage pour les enfants et le conjoint d’une personne qui a acquis séparément la nationalité française. Dans un souci d’égalité de traitement, les ressortissants des pays anciennement sous souveraineté ou tutelle française sont désormais soumis au régime de droit commun de 5 ans de résidence en France.

Enfin, la cérémonie d’accueil dans la citoyenneté française est généralisée à tous les nouveaux Français, quel que soit le mode d’acquisition de la nationalité française.

  • 2011 : Renforcement des connaissances requises pour devenir français et rédaction de la charte des droits et devoirs du citoyen français.

La loi du 16 juin 2011 met l’accent sur l’assimilation linguistique et culturelle des étrangers postulant à la nationalité française : le niveau de maitrise de la langue française attendu des nouveaux Français est relevé, ils doivent avoir une connaissance suffisante de l’histoire, de la culture et de la société françaises, et adhérer aux principes et valeurs essentiels de la République. Ces principes et valeurs, ainsi que les symboles de la République sont rappelés dans la charte des droits et devoirs du citoyen français, que le postulant doit signer et qui est remise à tous les nouveaux Français lors des cérémonies d’accueil dans la citoyenneté.

Les nouveaux Français doivent déclarer la ou les nationalités qu’ils possèdent déjà, celle(s) qu’ils conservent en plus de la nationalité française et celle(s) auxquelles ils entendent renoncer.

 II – Les hommes et les femmes devenus français
  •  Les Italiens pendant la première moitié du XXème siècle

Tout au long du XXème siècle, les communautés acquérant la nationalité française se diversifient, venant de pays de plus en plus éloignés. Jusqu’en 1960, il s’agit quasi exclusivement d’Européens, provenant pour la plupart des pays limitrophes comme l’Italie, la Belgique et l’Espagne.

Durant la première moitié du siècle, les Italiens sont les plus nombreux à devenir français. Après eux, ce sont les Belges : leur part a cru de manière importante jusqu’à la première guerre mondiale. Elle s’est ensuite stabilisée pour décroître rapidement après la guerre.

Au cours des années 20, on enregistre une forte progression des acquisitions parmi les natifs d’Italie, d’Espagne mais aussi parmi des immigrés venus d’Europe de l’Est (Polonais et Yougoslaves notamment). On note également durant cette période une augmentation des demandes de naturalisation des Allemands et des Russes.

Entre 1940 et 1960, les courants italien, espagnol et polonais continuent à alimenter les candidatures à la nationalité française.

  •  L’impact des nouveaux flux migratoires à la fin des années 60

Les naturalisations ont été interrompues en juin 1940. Après la guerre, les Italiens occupent toujours de loin la première place, représentant près de 40% des acquisitions à la fin des années 40.

On note également l’importance des naturalisations de Polonais, d’Allemands mais aussi de Russes et d’Arméniens coupés de leur pays d’origine par la guerre. Les Allemands souscrivent une proportion importante de déclarations : il s’agit pour beaucoup de femmes allemandes ayant épousé des Français pendant la guerre et qui avaient conservé leur nationalité. Des dispositions transitoires les ont autorisées à devenir françaises.

Dans les années 1960, les Espagnols et les Italiens sont toujours les plus nombreux à acquérir la nationalité française. Une immigration autre, comme celle des Polonais, voit son chiffre des acquérants de la nationalité française décroître.

Dès la fin des années 1960, de nouvelles nationalités émergent comme les Portugais, les Marocains, les Algériens et les Tunisiens.

  •  Déclin de la prééminence des naturalisés d’origine italienne et espagnole à la fin des années 1970

Dès la fin des années 70, la part des italiens et des Espagnols diminue tandis que celle des Portugais, des Marocains, des Algériens et des Tunisiens est en forte progression.

Durant les années 1980, les Portugais ont longtemps représenté le contingent le plus important de Français par acquisition (environ 15% des naturalisés) avant d’être supplantés par les ressortissants des pays du Maghreb, notamment les Marocains. On assiste également à la montée progressive du nombre des naturalisés d’origine turque.

La décennie 1980 a donc vu un recul de la part des ressortissants des pays d’Europe et une augmentation parallèle de la proportion des personnes originaires d’Afrique mais aussi d’Asie.

  •  La situation actuelle

Les tendances observées depuis une quinzaine d’années se confirment.

En 2006, la représentation des Européens continue de décroître, en dépit d’une légère progression du nombre de nouveaux Français originaires des pays de l’Est.

Cette tendance au recul des ressortissants de l’Union européenne est liée au caractère ancien de leur immigration. Il faut ajouter à cela la libre circulation des citoyens de l’Union. L’acquisition de la nationalité française ne représente plus pour eux, sauf exception, un avantage.

La progression du nombre des acquérants originaires d’Afrique du nord et subsaharienne se poursuit. Les 3 pays du Maghreb (Maroc, Algérie et Tunisie) fournissent, à eux seuls, la moitié du total des acquérants.

En revanche, les naturalisés originaires d’Asie en représentent désormais moins de 15%, à la différence des naturalisés d’origine turque. Les acquérants des pays du sud-est asiatique, en particulier l’ancienne Indochine française, sont en nette diminution, en lien avec la baisse du flux des réfugiés.

Enfin, l’éventail des origines n’a cessé de s’élargir depuis 15 ans, sans que cela modifie l’équilibre général des nationalités les plus représentées. On est passé, ainsi, de 120 nationalités au début des années 1990, à plus de 170 en 2006.

Ils sont devenus français
Georges Charpak

Georges Charpak


Françoise Giroud

Françoise Giroud


Blaise Cendrars

Blaise Cendrars


Albert Uderzo

Albert Uderzo


Emile Zola

Emile Zola


Yves Montand

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Romain Gary

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Guillaume Apollinaire

Guillaume Apollinaire


Léon Zitrone

Léon Zitrone


Joseph Kessel

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Max Oppenheimer

Max Oppenheimer


Marc Chagall

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Mots-clés :

citoyen, devoirs, acquisition, naturalisation, décret, égalité, mariage, résidence, immigration, histoire, immigré, société, française, droits, étranger, intégration, réfugié, laïcité