Seul le prononcé fait foi
Mesdames, messieurs,
Plusieurs organisations syndicales et associations ont appelé à la régularisation des étrangers en situation irrégulière exerçant une activité professionnelle dans notre pays, et demandé une harmonisation des règles de régularisation mises en oeuvre par les préfectures en application de l’article 40 de la loi du 20 novembre 2007. L’article 40 de la loi du 20 novembre 2007 est le premier dispositif de régularisation par le travail mis en place en France.
Conformément au Pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté à l’unanimité des 27 Etats membres de l’Union européenne le 16 octobre 2008, toutes tendances politiques confondues, les mesures de régularisation massive sont proscrites, parce qu’elles créent un afflux supplémentaire d’étrangers en situation irrégulière, et portent atteinte à la maîtrise des flux migratoires. Le taux de chômage des ressortissants étrangers non européens atteint déjà le triple de la moyenne nationale.
Concernant l’harmonisation des règles et des procédures de régularisation, des réunions ont été organisées avec les organisations syndicales et les représentants de plusieurs préfectures. Ces échanges ont permis de réaliser plusieurs avancées, que les organisations syndicales ont d’ailleurs reconnues.
J’ai donné suite à ces échanges en adressant hier aux préfets une nouvelle circulaire afin de guider l’instruction des demandes de régularisation et préciser les « motifs exceptionnels » mentionnés par le législateur.
Au nombre de ces motifs exceptionnels, il y a les cinq motifs cumulatifs suivants : L’ancienneté du séjour en France, l’exercice d’un emploi déclaré dans un métier en tension, l’ancienneté dans l’entreprise, la nature et la durée du contrat de travail, l’intégration du demandeur dans notre société.
La loi ne m’autorise pas à fixer des critères absolus mais elle me permet de guider l’action des services dans l’appréciation qui doit être faite, au cas par cas, des situations individuelles.
Pour répondre plus complètement aux demandes d’harmonisation, une synthèse des bonnes pratiques préfectorales a donc été également envoyée aux services instructeurs. Elle fait apparaître une pratique homogène et équilibrée en matière de régularisation :
1. Une durée de 5 ans pour la durée de séjour en France,
2. L’exercice, actuel et à venir, d’une activité professionnelle salariée déclarée, dans un métier et une région caractérisés par des difficultés de recrutement,
3. Une ancienneté égale ou supérieure à 12 mois dans l’entreprise, ou dans une entreprise du même groupe, et la circonstance que l’embauche a été antérieure au 1erjuillet 2008.
4. S’agissant de la promesse d’embauche :
- une durée indéterminée ou une durée déterminée égale ou supérieure à douze mois ;
- une rémunération mensuelle respectant les conventions collectives applicables au métier considéré et au moins égale au salaire minimal mensuel.
5. S’agissant de l’intégration du demandeur, seront pris en considération la compréhension, au moins élémentaire, de la langue française par le demandeur, mais aussi des éléments manifestant une volonté d’intégration, les conditions de logement ou d’hébergement, la déclaration de revenus et, en cas d’imposition, le paiement des impôts correspondants, l’acquittement d’impôts locaux, la participation assidue à une formation linguistique en français, ou encore toute participation active à une forme de vie sociale.
Certaines avancées techniques ont été réalisées à la suite de la concertation organisée avec les syndicats de salariés et les représentants des entreprises. Ces avancées permettent de clarifier certains critères :
- La précision que l’évaluation de la situation de l’emploi pour estimer si un métier est en tension se fera au niveau régional.
- Les éléments attestant de l’intégration du demandeur, qui ont été élargis, afin de prendre en compte par exemple le paiement des impôts ou le suivi de cours de langue française.
- La pluralité d’employeurs, qui a été admise pour les services aux particuliers.
- Pour les professions réglementées, la prise en compte de l’exercice passé et déclaré de l’activité, pour la régularisation dans une autre activité.
- Pour les intérimaires, les exigences de passé dans l’emploi ont été assouplies.
Ces mesures pourraient concerner environ 1000 personnes, embauchées avant le 1er juillet 2008, date à partir de laquelle les employeurs ont eu l’obligation de transmettre aux Préfectures les titres de séjour des étrangers qu’ils embauchent.
Il ne s’agit en aucun cas d’une régularisation massive. Il n’y a pas de modification des principaux critères de l’admission exceptionnelle au séjour. Ce n’est pas au moment où l’emploi se détériore et où le taux de chômage des étrangers non européens dépasse 26% qu’il faut ouvrir nos portes à l’immigration clandestine.
Ceux qui sont attachés à notre pacte social et républicain ne peuvent pas en même temps défendre l’emploi illégal et le séjour illégal.
Le discours prononcé dimanche 22 novembre 2009 par la première secrétaire du Parti Socialiste à procéder à une régularisation large des étrangers entrés et séjournant illégalement sur le territoire national, est irresponsable.
Régulariser largement les étrangers en situation irrégulière présents en France revient à remettre en cause toute politique d’immigration, et par là-même toute politique d’intégration. Car on ne peut pas accueillir dignement, avec une éducation, un emploi et un logement, tous les ressortissants étrangers qui souhaitent venir en France. Alors que le taux de chômage des ressortissants étrangers non européens dépasse 26%, accueillir sans condition sur notre sol tous les ressortissants étrangers qui le souhaitent, et les régulariser, n’a que l’apparence de la générosité. Une telle politique minerait notre pacte social et notre pacte républicain, et se retournerait contre les étrangers eux-mêmes.
La règle générale est que les ressortissants étrangers qui entrent et séjournent illégalement sur le territoire de la République et ne disposent d’aucun droit à se maintenir sur ce territoire, ont vocation à rejoindre leurs pays d’origine.
L’immigration illégale porte atteinte à notre pacte républicain et à notre pacte social. La France ne peut bien intégrer ceux qu’elle autorise à séjourner sur son sol, si elle laisse y séjourner tous ceux qu’elle n’y a pas autorisés. Régulariser l’ensemble des étrangers en situation irrégulière présents en France reviendrait à remettre en cause toute politique d’immigration, et par là-même toute politique d’intégration. Car on ne peut pas accueillir dignement, avec une éducation, un emploi et un logement, tous les ressortissants étrangers qui souhaitent venir en France.
Parce qu’ils ne peuvent revendiquer des droits, les immigrés en situation irrégulière sont aussi les victimes privilégiées de toutes les exploitations. Leurs salaires et leurs conditions de travail sont très souvent nettement inférieurs à la moyenne, et aux normes sociales minimales.
Une directive européenne a été adoptée le 18 juin 2009 pour répondre à ce défi. Elle doit être transposée par un projet de loi, dont je vais vous présenter les principaux axes.
L’objectif de ce projet de loi est de lutter contre l’immigration irrégulière en rendant plus difficile la perspective de trouver un emploi en France, et de combattre les réseaux qui attirent en France et y exploitent l’immigration irrégulière.
Les nouvelles règles portées par ce projet de loi sont destinées à mettre fin aux abus commis par les employeurs peu scrupuleux qui concluent avec des personnes en séjour irrégulier des contrats de travail prévoyant des salaires trop bas et de mauvaises conditions de travail.
Le projet de loi met en place :
- d’une part une interdiction générale de l’emploi de ressortissants étrangers en séjour irrégulier.
- d’autre part un ensemble de sanctions administratives, financières et pénales, à l’encontre des employeurs qui profitent de la situation particulièrement vulnérable des immigrés en situation irrégulière. Ces sanctions seront effectives, proportionnées et dissuasives.
Ce projet de loi ne vise à pas le travail dissimulé en général, mais l’emploi d’étrangers sans titre de séjour. Le projet de loi comporte des sanctions plus lourdes que celles qui s’appliquent au travail dissimulé, parce qu’employer un étranger sans titre de séjour est plus grave qu’employer un Français ou un étranger en situation régulière sans le déclarer. En employant un étranger sans titre de séjour, on porte atteinte non seulement au droit du travail mais aussi au droit du séjour. Il est donc indispensable que l’emploi d’étrangers sans titre de séjour soit sanctionné plus durement que le seul travail dissimulé.
Le projet de loi exigera que les ressortissants étrangers, avant d’occuper un emploi, disposent d’un titre de séjour valable. Le texte prévoira que nul ne peut, directement ou par personne interposée, embaucher, conserver à son service ou employer, pour quelque durée que ce soit, un étranger non muni du titre l’autorisant à séjourner et à exercer une activité salariée en France. Il interdira également de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services d’un employeur d’un étranger sans titre de séjour.
Le projet de loi obligera les employeurs à tenir, au moins pendant la durée de la période d’emploi, une copie de l’autorisation de séjour, à la disposition des autorités compétentes.
Le projet de loi obligera les employeurs d’étrangers sans titre de séjour à payer les arriérés qui leur sont dus. Il prévoira qu’à défaut de preuve contraire, les sommes dues au salarié correspondent à une relation de travail présumée d’une durée de trois mois. Il prévoira la prise en charge par l’employeur de tous les frais d’envoi des rémunérations impayées vers le pays dans lequel il a été reconduit volontairement ou non. Il prévoira que les sommes dues à l’étranger sans titre de séjour seront versées auprès d’un organisme désigné à cet effet. Ces sommes seront reversées à l’étranger sans titre de séjour y compris en cas de retour volontaire ou forcé dans son pays d’origine.
Le projet de loi mettra en place un puissant arsenal de sanctions administratives. L’autorité administrative pourra :
- rendre les employeurs d’étrangers en situation irrégulière inéligibles aux appels d’offres nationaux et européens, pendant une durée maximale de 5 ans ;
- rendre les employeurs d’étrangers en situation irrégulière inéligibles aux aides publiques nationales et européennes, y compris aux aides à l’emploi et à la formation professionnelle, pendant une durée maximale de 5 ans ;
- imposer aux employeurs d’étrangers en situation irrégulière le remboursement des aides publiques reçues l’année précédant l’infraction relevée, y compris les aides à l’emploi et à la formation professionnelle.
- ordonner par décision motivée la fermeture d’un établissement, à titre provisoire et pour une durée ne pouvant excéder six mois. Les modalités de cette fermeture, qui pourra s’accompagner de la saisie à titre conservatoire du matériel professionnel des contrevenants, seront fixées par décret en Conseil d’Etat. En tout état de cause, cette décision de fermeture administrative d’un établissement ne sera ni automatique, ni uniforme. Elle sera proportionnée à l’ampleur des faits constatés.
Le projet de loi responsabilisera les donneurs d’ordre, qui s’abritent quelques fois derrière leurs sous-traitants en feignant d’ignorer l’exploitation d’une main d’oeuvre clandestine. Le projet de loi prévoira que tout maître d’ouvrage informé par écrit par un agent de contrôle, par un syndicat ou une association professionnels ou une institution représentative du personnel, de l’intervention d’un sous-traitant en situation irrégulière au regard de l’emploi d’étranger sans titre de séjour, doit enjoindre aussitôt à son cocontractant de faire cesser sans délai cette situation. A défaut, il sera tenu ainsi que son cocontractant solidairement avec le sous-traitant employant l’étranger sans titre au paiement des impôts, taxes, cotisations, ainsi que des rémunérations et charges, contributions et frais. La responsabilité solidaire des maîtres d’ouvrage sera l’un des points important du texte.
Le projet de loi prévoira aussi des sanctions pénales. Le fait pour toute personne, directement ou par personne interposée, d’embaucher ou d’employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l’autorisant à séjourner et travailler en France ou de recourir sciemment, directement ou par personne interposée, aux services d’un employeur d’étranger sans titre, sera puni d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 15.000 €.
Ce projet de loi portera transposition de la directive du 18 juin 2009 sur les « sanctions à l’encontre des employeurs de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier » (« directive sanction »). Ce projet de loi assurera par ailleurs la transposition de la « directive retour » de juin 2008 sur la reconduite des étrangers en situation irrégulière dans leurs pays d’origine, et celle de la directive « carte bleue » d’octobre 2008 sur l’emploi de ressortissants étrangers qualifiés au sein de l’Union européenne.
Il sera transmis au Conseil d’Etat et au cabinet du Premier ministre, puis présenté au Conseil des ministres fin 2009 ou début 2010.