Discours de Brice Hortefeux pour la signature du protocole d’accord anti-discrimination dans le secteur de l’économie sociale

26 janvier 2009

Lors de ses vœux à la presse, le Président de la République a proposé de compléter le préambule de la Constitution, en particulier pour « assurer le respect de la diversité, et ses moyens ». Reconnaître et respecter la diversité est un moyen d’atteindre l’égalité, deuxième terme de la devise de la République. J’attache une grande importance à cette dimension de l’action publique car la cohésion nationale passe par notre capacité à offrir les mêmes chances à tous, Français et immigrés légaux, sans autre distinction que celle du mérite personnel. C’est un travail de tous les jours, qui concerne chacun dans la société. Mais le respect de la diversité ne doit pas légitimer des attitudes de repli. A chacun, aussi, selon ses capacités, de faire les pas nécessaires pour réussir dans la vie.

La démarche que vous accomplissez aujourd’hui est donc un acte de confiance dans la société, une contribution à sa cohésion. Le Gouvernement vous en félicite. Pour les institutions d’éducation et de formation, cette démarche doit être un repère pour orienter les jeunes vers les secteurs d’emploi que vous représentez. Pour ceux à qui elle est destinée, cette démarche doit être le signal positif qu’ils peuvent fournir les efforts pour trouver un emploi et que ces efforts ne seront pas vains.

Avant de vous présenter quelques projets qui vous concernent, je voudrais insister sur l’intérêt de l’accord que nous allons signer aujourd’hui.

I - L’intérêt de l’accord

Le protocole d’accord que nous allons signer a pour objet le repérage des bonnes pratiques en matière de recrutement et de gestion des carrières des salariés étrangers ou issus de l’immigration.

Votre démarche aujourd’hui est exemplaire.

L’entreprise est en effet une prise de risque permanente qui doit déboucher à un moment donné sur un profit. L’entreprise n’est pas une institution philanthropique mais elle inscrit son action dans un cadre général ; pour les entreprises de l’économie sociale placées dans le secteur concurrentiel - je pense aux mutuelles de prévoyance ou d’assurances, aux banques coopératives - la démarche d’aujourd’hui est un acte de civisme exemplaire. La Fondation d’entreprises de la MACIF ajoute à cette démarche générale un engagement particulier pour la promotion de la diversité aux côtés de l’Etat ; j’en remercie ses responsables.

La spécificité du secteur de l’économie sociale est aussi de compter, pour 74% des actifs de ce secteur, les associations ; leur financement est souvent assuré sur fonds publics et je félicite leurs représentants d’adhérer officiellement à la démarche de promotion de la diversité, une contrepartie importante au soutien public qui leur est apporté. Je sais que nombreux sont les responsables associatifs qui ont à cœur de lutter contre les discriminations. L’accord que nous allons signer les aidera à aller plus loin.

Les structures que vous représentez pèsent lourd dans notre économie.

L’économie sociale en France représente au total 800 000 entreprises et établissements employant près de 2 millions de salariés, soit 11 % du PIB et 8,7 % de la population active. C’est important et les domaines dans lesquels vous intervenez sont essentiels dans notre vie collective, qu’il s’agisse des assurances, du sanitaire, de l’animation, des services à la personne, du sport, du tourisme ou de la jeunesse.

Le Groupement des entreprises mutuelles d’assurances, représenté par son président, M. Daniel Havis, PDG de la MATMUT, que je remercie, et l’union de syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale, représentée par M. Alain Cordesse, issu du monde associatif, sont deux piliers de ce secteur de l’économie sociale qui comprend 14 branches et une vingtaine de conventions collectives. Vous « pesez » plus de 60 000 structures, pas des moindres, et plus de 700 000 salariés ; ce n’est pas rien. Je souhaite que les deux autres organismes représentatifs du secteur puissent, à terme, se joindre à cet accord.

Nous sommes en effet ici pour mobiliser le plus grand nombre d’entreprises et d’associations.

Je souhaite donc très vivement que notre rencontre aujourd’hui incite toutes les entreprises du secteur à s’engager dans des mesures concrètes : je pense par exemple, au-delà des techniques de recrutement ou de la formation des gestionnaires, à des opérations de repérage de compétences et de formation dans les banlieues ou à la fixation d’objectifs indicatifs de recrutement. Les missions locales, présentes dans cet accord, et nombre d’associations peuvent apporter leur expertise et leur connaissance du terrain dans ce cadre. J’ai appris avec satisfaction qu’une perspective d’accord interprofessionnel pourrait se dessiner dès 2009, dans la foulée de notre signature aujourd’hui. Je vous encourage à innover et faire le meilleur usage de la connaissance du terrain que vous avez collectivement.

L’Etat est là , avec vous, pour donner l’impulsion et je demande à mes services de suivre l’application de cet accord et des initiatives qu’il va susciter, avec la plus grande vigilance. Vous aurez le soutien nécessaire.

Ce soutien sera conditionné par votre engagement en faveur de l’accès à l’emploi des étrangers et des Français issus de l’immigration.

Il faut en effet du concret pour contribuer à résoudre une des difficultés majeures que rencontre notre société et à laquelle je suis particulièrement attentif : l’emploi des étrangers et des jeunes des banlieues. Il n’y aura pas d’intégration réussie s’il n’y a pas d’emploi à la clef.

L’immigration choisie va nous permettre de recruter à l’étranger des profils dans les secteurs professionnels où les tensions sont les plus fortes. 4 métiers dans le secteur « Banque-Assurances » et 6 dans les « Services aux particuliers et aux collectivités » sont ouverts aux ressortissants des Etats européens soumis à des dispositions transitoires. Divers métiers plus qualifiés sont ouverts aux ressortissants d’Etats tiers.

Je souhaite néanmoins que, sur l’ensemble des métiers, quelles que soient les qualifications requises, priorité soit donnée aux immigrés qui sont déjà en France, et à leurs enfants ; c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles la liste des emplois ouverts aux ressortissants des pays tiers de l’Union européenne est limitée.

20% de chômeurs parmi les étrangers, jusqu’à 30 % pour les personnes d’origine africaine, c’est trop. Comme les 40 % de chômeurs parmi les jeunes de banlieue sont inacceptables. L’accès à l’emploi, on le sait, dépend beaucoup de sa préparation : apprentissage des fondamentaux, connaissance des codes sociaux, effort personnel pour s’y adapter. La promotion de la diversité implique des actions de formation, à la charge des pouvoirs publics, aidés en cela par les associations et, quand elles le peuvent, les entreprises elles-mêmes. Certains de ces chômeurs sont aussi des diplômés ; or, pour 6% de chômeurs parmi les diplômés en général, 24 % des diplômés d’origine étrangère sont sans travail.

Je ne veux pas multiplier les chiffres ; on les connaît. Je voudrais insister tout particulièrement sur l’attention que nous devons avoir vis-à -vis des diplômés et de ceux, diplômés ou non, qui fournissent des efforts pour s’en sortir. On insiste trop sur les chiffres négatifs et pas assez sur ceux qui réussissent. Il faut encourager ceux qui « retroussent les manches ». Au-delà de l’accès au salariat, j’encourage les investisseurs à aider les créateurs d’entreprises qui ont besoin de capitaux pour démarrer.

Ce qui importe est de travailler ensemble dans le bon sens. La société française a besoin de cohésion ; il y a en France, partout, des réservoirs de compétences et de volonté. Les entreprises ont besoin de main d’oeuvre. Nous devons pouvoir nous entendre sur la mise en relation de l’offre et de la demande.

II - Les projets du ministère

Avant de signer, je souhaite signaler trois initiatives de mon ministère qui ont justement pour objet d’encourager les entreprises dans leurs efforts :

  • le secteur des services à la personne, qui est représenté aujourd’hui, connaît une pénurie de main d’œuvre ; j’ai entrepris d’inscrire comme priorité du travail du ministère l’orientation des étrangers qui arrivent en France - ce qui profitera à tous les autres - vers ces métiers. Suivront, dans la même logique, des initiatives en direction d’autres secteurs de l’économie.
  • par ailleurs, je présenterai dans le courant de ce semestre le contenu du Label diversité. Au-delà de la Charte de la diversité et des accords comme celui que nous signons aujourd’hui et qui ont pour objectif de susciter l’ouverture de négociations dans les professions et les entreprises, je souhaite que chaque employeur volontaire puisse très concrètement travailler sur la diversité. Ce label, reposant sur une norme AFNOR, donnera aux chefs d’entreprise des indications de méthode propres à améliorer les conditions de recrutement et la gestion des ressources humaines, pour valoriser le potentiel que représentent les salariés étrangers, issus de l’immigration, ou les handicapés par exemple, et tous ceux qui rencontrent des difficultés particulières d’emploi.

Au-delà , je veux encourager les parcours d’intégration réussis et montrer que, s’il y a des difficultés, certains s’en sortent aussi très bien, grâce souvent à une aide concrète apportée par un particulier, une association, une entreprise. Je décernerai les premiers « Trophées de l’intégration » au printemps prochain. Ces Trophées distingueront des parcours exemplaires dont d’autres pourront s’inspirer.

Pour conclure, je voudrais simplement dire que nous devons agir avec pragmatisme, sans effets d’annonce systématiques mais avec la volonté d’avancer en faveur de l’emploi et de la cohésion nationale.

Je vous remercie de votre attention.