Éric BESSON répond aux allégations de Human Rights Watch sur la situation des mineurs étrangers isolés maintenus en zone d’attente à l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle

29 octobre 2009

COMMUNIQUE

Eric BESSON, ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, a pris connaissance du rapport publié jeudi 29 octobre 2009 par l’association Human Rights Watch sur la situation des mineurs isolés maintenus dans la zone d’attente de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.

Ce rapport, qui part du principe contestable que tout mineur étranger isolé se présentant à la frontière, sans être muni des documents de voyage et des visas exigés par la réglementation, doit nécessairement être admis sur le territoire national, caricature à cette fin le travail conduit par la police aux frontières (PAF), la Croix-Rouge et l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA).

La méconnaissance du régime juridique et des procédures juridictionnelles applicables, la multitude des erreurs factuelles et des approximations terminologiques, enfin le ton inutilement polémique du rapport, disqualifient cette approche partisane. Il est également regrettable, sur le plan de la méthode de travail, que les cas individuels évoqués n’aient pas donné lieu à des échanges contradictoires avec les services concernés.

Un sujet aussi important que la prise en charge des mineurs étrangers isolés à Roissy méritait un autre traitement. Le rapport de Human Rights Watch contraste avec le sérieux des travaux conduits, depuis le mois de mai 2009, par le groupe de travail pluraliste sur les mineurs isolés installé par Eric BESSON et qui regroupe l’ensemble des spécialistes de cette question – associations, administrations, collectivités territoriales, institutions nationales ou internationales en charge de la protection des droits des mineurs étrangers isolés. Les conclusions de ce groupe de travail, en cours de finalisation, permettront, sur le fondement du diagnostic partagé établi à partir de la réalité de la situation, d’avancer des propositions constructives pour améliorer la prise en charge des mineurs étrangers isolés.

Les allégations de Human Rights Watch, qu’elles soient générales ou de détail, sont sans fondement :

Il n’y a pas de statut « arbitraire » de la zone d’attente. La zone d’attente est un espace dans lequel peut être maintenu un ressortissant étranger qui arrive en France par la voie ferroviaire, maritime ou aérienne, et qui n’est pas autorisé à entrer sur le territoire français ou qui demande son admission au titre de l’asile. 96 % des mineurs étrangers isolés souhaitant entrer en France arrivent par l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. Son régime juridique est fixé par la loi du 6 juillet 1992. La zone d’attente n’est pas non plus, contrairement à ce qu’écrit Human Rights Watch, qui confond le régime de la zone d’attente avec celui des établissements pénitentiaires, un « centre de détention ». Les chambres ne sont pas fermées et les personnes circulent librement dans les espaces collectifs.

La « fiction juridique » qu’évoque Human Rights Watch n’en est pas une. Les lois de la République s’appliquent partout en France, y compris dans les aérogares de l’aéroport de Roissy ou dans sa zone d’attente. Nul ne discute, en particulier, la compétence du juge des enfants pour connaître de la situation des mineurs étrangers isolés en zone d’attente. C’est uniquement au regard du droit à l’entrée et au séjour que le ressortissant étranger est considéré comme juridiquement hors du territoire français.

La zone d’attente n’est pas une zone de « non droit » et il n’y a aucune « lacune de la procédure d’asile à la frontière ». Le maintien en zone d’attente est soumis au contrôle du juge des libertés et de la détention (JLD), garant de la protection des libertés individuelles. Les demandes d’admission au titre de l’asile donnent lieu à un examen par les officiers de protection de l’OFPRA, organisme indépendant de l’administration, et dont les avis favorables aux mineurs sont systématiquement suivis par l’autorité administrative, en l’espèce le ministère de l’immigration et non, comme l’indique Human Rights Watch le ministère de l’intérieur. Les refus d’admission au titre de l’asile peuvent faire l’objet d’un recours, qui est suspensif, devant la juridiction administrative. Il faut également rappeler que le mineur étranger isolé qui ne comprend pas le français est nécessairement assisté d’un interprète dès le début de la procédure de non-admission sur le territoire. Enfin, il est inacceptable d’écrire, sans en établir la preuve, que des policiers refuseraient d’enregistrer les demandes d’asile de mineurs étrangers isolés. L’admission sur le territoire au titre de l’asile n’est pas une abstraction : le nombre de mineurs isolés entendus par la division de l’asile à la frontière de l’OFPRA a augmenté entre 2006 et 2008 (305 contre 114) et le taux d’admission sur le territoire a également progressé (27,5 % contre 24,6 %). Le rapport se méprend à ce sujet sur la notion de demande d’asile « manifestement infondée » : cette rédaction, à l’avantage du demandeur, signifie seulement que le refus d’admission sur le territoire au titre de l’asile ne peut être opposé que si l’absence de fondement de la demande est évidente. Tout doute, toute incertitude se traduit en revanche par une admission.

Il est faux d’écrire que les mineurs étrangers isolés sont mélangés aux adultes. Les mineurs de moins de 13 ans sont actuellement pris en charge, dans l’attente de l’achèvement des travaux d’un quartier spécialement aménagé à leur attention (chambres, jeux, locaux pour les intervenants de la Croix-Rouge chargés de leur surveillance), dans des chambres d’hôtels où ils sont accompagnés par des nurses. Cet espace est aussi destiné aux mineurs de 13 à 16 ans. Les mineurs de 16 à 18 ans disposent, pour leur part, de chambres réservées dans un secteur de la zone d’attente. La séparation entre mineurs et majeurs sera encore renforcée dans les prochains mois, sans remettre en cause le principe de la libre circulation des personnes au sein de la zone d’attente.

Les mineurs étrangers isolés bénéficient de l’assistance d’un administrateur ad hoc, dont le rôle n’est pas celui d’un tuteur, mais dont la mission est de l’assister dans les procédures et de le représenter légalement. Contrairement à ce qu’indique le rapport, ce sont 100% des mineurs étrangers isolés qui bénéficient désormais de la désignation, par le parquet, d’un administrateur ad hoc. Sur ce plan, la situation décrite par Human Rights Watch ne prend pas compte des améliorations apportées au dispositif, avec notamment l’intervention de l’association Famille Assistance. Il n’est pas admissible comme le fait le rapport de mettre en cause la compétence, le dévouement ou encore l’impartialité des administrateurs ad hoc intervenant au nom de la Croix-Rouge.

La question de la détermination de l’âge par examen osseux est un faux problème dès lors que la marge d’incertitude, bien connue de ces tests, bénéficie systématiquement à l’étranger qui se prétend mineur isolé.

On relèvera, parmi d’autres nombreuses erreurs, que le bénéfice du « jour franc » est désormais systématiquement accordé au mineur étranger isolé, en application, sur demande immédiate du groupe de travail sur les mineurs isolés installé par Eric BESSON, d’une instruction du directeur central de la PAF du 19 juin 2009. Il faut aussi rappeler que le réacheminement des mineurs étrangers non admis sur le territoire s’effectue par principe vers le pays d’origine et non le pays de transit, sauf si cette destination est préférable (motifs familiaux). On pourra également indiquer, comme les associations agréées en zone d’attente peuvent en témoigner, que les personnes maintenues bénéficient d’une permanence médicale quotidienne assurée par des praticiens hospitaliers.

Au total, la position exprimée sans nuance par Human Rights Watch en faveur de la suppression de la zone d’attente est parfaitement infondée et, à bien des égards, dangereuse. On relèvera en particulier :

– qu’aucune norme internationale, ni aucune jurisprudence internationale ne pose pareille obligation et qu’une telle préconisation méconnaîtrait le principe unanimement reconnu selon lequel les États – la France comme les autres – ont le droit de contrôler l’entrée et le séjour sur leur territoire des étrangers, y compris des mineurs isolés ;

– que la préconisation de Human Rights Watch encouragerait l’arrivée massive de mineurs, à des fins migratoires, au bénéfice d’une dangereuse « exception française » ;

– qu’elle développerait la traite et favoriserait les réseaux criminels qui font venir en France des mineurs à des fins d’exploitation, notamment sexuelles ;

– qu’elle va, en définitive, à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant, dont se revendique pourtant Human Rights Watch.

« La France se singularise par sa générosité avec les mineurs étrangers qui arrivent sur son sol. Alors que même le Haut Commissariat aux Réfugiés ne le demande pas, elle est l’un des rares pays développés à ne pas reconduire les mineurs étrangers isolés entrés illégalement sur son territoire vers leur pays d’origine. Alors que beaucoup de pays maintiennent les étrangers non admis sur leur territoire dans une situation proche de l’arbitraire administratif, comme le faisait la France avant 1992, François Mitterrand, alors Président de la République, et Pierre Bérégovoy, alors Premier ministre, ont mis en place une zone d’attente, à l’intérieur de laquelle les ressortissants étrangers non admis bénéficient d’une assistance administrative, juridique, médicale, d’un service d’hébergement et de restauration, et sont placés sous la protection de la justice. Les mineurs étrangers isolés y bénéficient, en plus, de la protection d’un administrateur ad hoc et d’une infirmière spécialisée. Je ne peux qu’exprimer ma plus grande stupéfaction à voir une association sensée défendre les droits de l’homme remettre en cause cette avancée importante pour la protection des droits des étrangers en général, et des mineurs étrangers isolés en particulier. » a conclu Eric BESSON.