Discours de M. Eric Besson lors de la signature du premier accord cadre en faveur de l’emploi des immigrés, le jeudi 5 février 2009

5 février 2009

Discours de M. Eric Besson

Ministre de l’Immigration, de l’Intégration,

de l’Identité nationale et du Développement solidaire

Signature de l’accord avec Vinci

Jeudi 5 février 2009

Seul le prononcé fait foi

Madame la Présidente,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs,

C’est avec un très grand plaisir que je prends la parole devant vous, et avec une vive conscience de l’importance de la démarche que nous lançons aujourd’hui avec Vinci, dont je salue très chaleureusement le Directeur Général, M. Xavier Huillard.

La signature de cet accord avec votre entreprise est en effet, pour le ministère de l’immigration, la première étape d’une action de longue haleine, essentielle à notre politique d’intégration par le travail.

Je voudrais brièvement vous dire pourquoi cette démarche est capitale.

La conviction du gouvernement est simple et correspond à une expérience de bon sens : le meilleur vecteur d’intégration, outre la connaissance de la langue française et l’adhésion à nos principes de vie commune, c’est le travail, le travail légal, déclaré, protégé par le code du même nom ! Au demeurant, tout se tient, puisqu’une bonne connaissance de la langue est une condition d’accès à l’emploi.

Or, aujourd’hui, moins de 10% des cartes de séjour sont délivrées au titre de l’emploi ; 93% des femmes immigrées au titre du regroupement familial ne travaillent pas : c’est sans doute, pour une part, une affaire de choix personnel. Mais j’y vois aussi l’effet de la barrière linguistique.

J’ajoute que le taux de chômage des étrangers non communautaires est trois fois supérieur à celui des Français et qu’il atteint en 2007 plus de 22% en moyenne.

Moyenne préoccupante en elle-même, et qui cache des situations plus inquiétantes encore : 26,3% des hommes algériens sont au chômage, 30,7 des femmes marocaines, près de 40% pour les femmes tunisiennes, 43,6% pour les femmes turques, près de 40% également pour les hommes d’origine subsaharienne.

Il va de soi qu’une telle situation n’est pas acceptable, surtout lorsqu’on sait que, selon plusieurs estimations, environ 400.000 emplois en France restent non pourvus du fait de la « pénurie de main d’oeuvre » dans des secteurs en tension !

Non seulement le « sur-chômage » des immigrés est un frein, sans doute le pire de tous, à leur intégration, mais ce problème d’appariement entre l’offre et la demande de travail est un problème lancinant pour notre économie.

Fort de ces constats, le gouvernement s’est proposé des objectifs clairs : d’une part, adapter autant que possible l’immigration à nos réelles capacités d’accueil (de manière à ce qu’elle réponde à de vrais besoins de notre économie, et qu’elle ne pille pas les pays d’origine) et, d’autre part, développer l’intégration par l’emploi des personnes entrées en France au titre des liens de famille, et y associer pleinement les entreprises à travers des accords-cadres.

Il est bien clair en effet que la France, en vertu même de ses engagements internationaux, et par respect des traditions d’accueil européennes, ne cessera pas d’accueillir des immigrants pour raison familiale.

En revanche, il n’y a aucune fatalité à ce que les immigrants familiaux ne travaillent pas ! Nous devons donc professionnaliser l’immigration familiale.

Puisque 80.000 personnes arrivent en France tous les ans au titre de l’immigration familiale, et que ce chiffre ne devrait pas connaître de baisse considérable, il me semble important de faire en sorte qu’elles viennent aussi pour travailler, spécialement dans les secteurs en tension qui connaissent de véritables pénuries de main d’oeuvre.

Pour cela, nous devons faire en sorte que la signature du contrat d’accueil et d’intégration par les primo-arrivants débouche le plus rapidement et le plus systématiquement possible sur l’obtention d’un emploi.

Pour atteindre cet objectif, nous avons mis en place un bilan de compétences, désormais obligatoire pour tout signataire du Contrat d’accueil et d’intégration (CAI).

Le bilan est effectué avant la fin du CAI, dès lors que la personne a acquis une connaissance suffisante de la langue française, autre facteur essentiel d’intégration, pour en tirer tout le bénéfice.

Le résultat de cette prestation doit pouvoir être présenté par le bénéficiaire à un employeur potentiel ou à un intermédiaire, pour lui permettre d’accéder rapidement à l’emploi.

Pour l’année 2009, 60.000 des 100.000 signataires prévus du contrat d’accueil et d’intégration, devraient pouvoir passer le bilan de compétences. Les premiers entretiens se déroulent actuellement.

Mais à lui seul, ce bilan de compétences ne suffit pas : pour faciliter l’accès à l’emploi des signataires du CAI après le bilan, il est nécessaire d’assurer une liaison efficace avec le « Pôle emploi », mais aussi pour les signataires du CAI qui apparaîtraient directement employables, il peut s’avérer utile de les mettre en relation avec les représentants locaux de branches professionnelles, des clubs d’entreprises ou des entreprises prêts à les accueillir.

C’est dans ce cadre que s’inscrit l’accord que nous signons aujourd’hui avec VINCI : Il porte sur deux points essentiels, conformes aux orientations du ministère dont j’ai la responsabilité :

• mettre au point un dispositif pour faciliter l’accès à l’emploi direct d’étrangers signataires du CAI dans les filiales de VINCI ;

• développer et expérimenter des outils permettant l’apprentissage du français par les salariés.

Cet accord est une grande première : car pour la première fois, l’ANAEM proposera directement des emplois aux immigrés familiaux ! Quelle meilleure manière pouvait-on imaginer pour activer l’intégration par l’emploi ?

J’ai bien conscience, Monsieur le directeur général, que la crise que nous traversons n’est pas propice aux engagements chiffrés en matière d’emplois. Toutefois, j’aimerais que nous nous entendions sur un objectif chiffré de recrutement des signataires du CAI, sinon en valeur absolue, du moins en pourcentage du total des embauches prévues par Vinci en France en 2009.

Outre cet accord « pionnier » avec VINCI, plusieurs expérimentations sont en cours de démarrage avec des branches professionnelles à forts besoins en main d’oeuvre (Agence Nationale des Services à la Personne , transports-logistique : AFT-IFTIM), des structures du monde économique (Association Nationale des DRH, Fondation Agir Contre l’Exclusion, Conseil national de l’insertion par l’activité économique) et d’autres grandes entreprises sur le modèle de l’accord que nous signons aujourd’hui.

*

A terme, je souhaite que nous passions un accord -cadre avec « Pôle Emploi », de manière à ce que l’ANAEM devienne une véritable agence de placement des immigrés familiaux. Avec le secrétaire d’Etat chargé de l’Emploi Laurent WAUQUIEZ, nous allons travailler à l’établissement des principes d’un tel accord, pour aboutir à une mise en place concrète avant le 31 juillet.

Vous l’aurez compris, ce qui se joue là est capital ! Il s’agit de sortir une bonne fois pour toutes des discours non opérationnels sur le problème de l’intégration des immigrants familiaux. Comment ? Eh bien en s’appuyant sur le moteur d’intégration le plus puissant, à savoir : le travail ! Et en actionnant ce moteur de manière « industrielle et systématique », si je puis dire, en prenant les choses à la racine : dès l’arrivée en France des immigrés.

Ce faisant, je souhaite que nous réglions deux problèmes en même temps : la pénurie de main d’oeuvre dans les secteurs en tension et la question de l’intégration et du chômage des immigrés.

Je vous remercie.