Intervention de M. Eric Besson lors du point d’étape du grand débat sur l’identité nationale, le lundi 4 janvier 2010

4 janvier 2010

Intervention de M. Éric BESSON 

Ministre de l’immigration, de l’intégration,de l’identité nationale et du développement solidaire

Point d’étape du grand débat sur l’identité nationale

Lundi 4 janvier 2010

Seul le prononcé fait foi

Mesdames, messieurs,

Deux mois après le lancement du grand débat sur l’identité nationale, le 2 novembre 2009, j’ai souhaité en présenter aujourd’hui un premier bilan.

1. Ce premier bilan est très encourageant.

Le débat sur l’identité nationale a immédiatement rencontré un immense succès populaire, qui dépasse les prévisions initiales. Un très grand nombre de Français s’en est emparé et souhaite s’exprimer, en répondant à la question « Pour vous, qu’est-ce qu’être Français ? », car je rappelle que c’était la question posée. Le débat occupe l’espace médiatique presque quotidiennement.

Le site Internet du grand débat ( www.debatidentitenationale.fr ) continue à battre des records d’audience : 540.000 visites et 50.000 contributions reçues, 3 millions de pages vues, une durée moyenne de visite qui dépasse 5 minutes. Le nombre de serveurs Internet mobilisés est passé de 2 à 5, le nombre de modérateurs de 3 à 25. De nouveaux services interactifs sont lancés cette semaine, en particulier un forum, une consultation en ligne, un système de vote pour désigner les meilleures contributions parmi une sélection de 50, ou encore un espace de créativité qui recevra notamment des photographies originales et libres de droits de ce qui symbolise l’identité nationale, aux yeux des internautes. Ces nouveaux services devraient permettre d’accroître encore la fréquentation du site.

313 réunions locales sont par ailleurs programmées. A la date du 31 décembre 2009, 227 débats locaux ont déjà eu lieu. L’objectif de 350 débats locaux organisés avant février sera probablement dépassé.

Le nombre moyen de participants aux réunions locales est de 100. L’assistance peut aller jusqu’à 300 à 400 personnes, en fonction de la taille de l’arrondissement. La participation des élus, du monde associatif, des représentants du culte mais aussi de citoyens récemment naturalisés et de jeunes français d’origine étrangère, est élevée. Les compte-rendus de la presse quotidienne régionale témoignent de la richesse de la très grande majorité des débats.
Je participerai moi-même, avant la fin du mois, à un grand nombre de débats locaux, à Paris, en région parisienne, mais aussi à Lyon, à Marseille, à Lens, ou à Mazamet.

2. Les deux principales critiques auxquelles le grand débat sur l’identité nationale a dû faire face sont clairement démenties par les faits :

2.1. Premièrement, le débat n’est pas focalisé sur l’immigration et sur l’Islam.

L’immigration et l’Islam représentent moins d’un tiers des 26.000 premières contributions reçues sur le site Internet et analysées par TNS SOFRES.

Le nombre de contributions contenant les mots « immigration », « immigré », « étranger », « Islam », « musulman », « burqa » ou « voile » représente moins de 15% du nombre total des contributions. Au cours de la première quinzaine de novembre, avant le match Algérie-Egypte du 18 novembre 2009 et la votation sur les minarets en Suisse du 29 novembre 2009, cette part était même inférieure à 8%. Et même en élargissant les critères de sélection à toute contribution faisant une référence explicite ou non explicite à l’immigration ou à l’Islam, la part des contributions abordant ce thème reste inférieure à 25%.

Permettez-moi d’insister sur ce point : l’immense majorité des contributions au grand débat sur l’identité nationale est parfaitement respectueuse de nos valeurs républicaines. Certains observateurs se sont focalisés au cours des deux derniers mois sur quelques dérapages très isolés. Ils n’ont heureusement pas réussi à faire sortir le débat de son cadre républicain. La caricature du défouloir raciste n’a pas fonctionné.

Un grand nombre de contributions reçues insiste, au contraire, sur la nécessité, pour les Républicains, de se réapproprier l’idée de Nation. Discuter de ce qui rassemble, ce n’est pas diviser. Débattre de ce qui doit être fait pour mieux intégrer, ce n’est pas exclure. Ce qui fait le jeu des extrêmes, ce n’est pas le débat, c’est le tabou. Ce qui fait le jeu des nationalistes, ce n’est pas que nous soyons trop nombreux à parler de Nation, c’est qu’ils soient les seuls à en parler.

Le débat sur l’identité nationale ne se focalise pas sur l’immigration et sur l’Islam. Pour autant, la question de l’immigration et de l’Islam en fait partie. Car l’immigration fait partie de notre identité nationale. Ne pas discuter des enjeux de l’immigration, vouloir entretenir un tabou à ce sujet, c’est faire le jeu des xénophobes. Et les contributions qui traitent de ces questions insistent toutes sur l’apport de l’immigration à notre identité nationale, et sur la nécessité de renforcer l’intégration des populations immigrées dans notre Nation. Le Haut Conseil à l’Intégration me remettra d’ailleurs sa contribution au grand débat sur l’identité nationale le 12 janvier prochain.

Oui, le débat sur l’identité nationale se situe au coeur de la République. Car il n’y a pas de République sans Nation. Oui, l’Etat a un rôle central à jouer dans ce débat. Car en France, la Nation ne s’est pas construite par la juxtaposition de communautés, ou la coopération entre régions. La France, terre d’immigration depuis ses origines, n’a pu devenir Nation que par l’action sans cesse renouvelée de l’Etat, qui a imposé de puissants efforts d’intégration et de construction d’une identité nationale.

2.2. Deuxièmement, le débat n’est pas accaparé par un parti politique ou par une administration. Il est parfaitement républicain.

Toutes les tendances politiques participent de fait au débat, du Front National au Parti Communiste. Les élus de gauche ont répondu à l’invitation et ont été présents dans 50% des réunions locales. Quand les élus de gauche ne sont pas là, ce sont d’anciens élus ou des représentants d’associations qui expriment cette sensibilité.

Parmi les élus de gauche qui participent au débat, je voudrais citer François PUPPONI, Député-maire socialiste de Sarcelles, dont l’intervention a été remarquée : « Il faut avoir ce débat. Depuis cinquante ans, nous n’avons pas été capables de l’aborder sereinement. On a parqué des populations dans des grands ensembles, comme à Sarcelles et Villiers-le-Bel (…). Ce débat, on devrait en discuter tous les ans ».

Le Front national est présent dans moins de 20% des débats, sans nécessairement s’exprimer.

Les débats durent en moyenne entre 2h30 et 3h00, ce qui peut sembler long mais traduit l’envie de prise de parole des participants.

Certaines préfectures ont constitué des groupes de travail, composés d’intellectuels, d’universitaires, de représentants des principaux cultes et d’autres personnalités au sein de leurs départements, pour aborder plus en profondeur certaines problématiques et élaborer des propositions.

Par leur neutralité, les représentants du corps préfectoral, parfois appuyés d’un modérateur extérieur (souvent journaliste local), ont favorisé le développement de débats constructifs et sans heurts. Même si les opinions pouvaient être tranchées, la courtoisie est toujours restée la règle.

3. Les deux premiers mois de débat permettent de dégager de premières orientations.

3.1. Première orientation : Le débat est utile, en lui-même, pour raffermir le lien national. Discuter de ce qui nous unit, ce n’est pas remettre en cause notre cohésion nationale, c’est au contraire nous donner les moyens de la renforcer. Une des premières orientations issues du débat est donc sa pérennisation, sous une forme qui reste à déterminer.

3.2. Deuxième orientation : La question du modèle d’intégration -libéral ou assimilateur fait débat. Nombre de participants pensent que la priorité doit être accordée à la maîtrise de la langue et à la connaissance des valeurs de la République dans le parcours d’intégration des étrangers primo-arrivants. Une autre idée largement partagée est que les étrangers ne sont pas les seuls concernés par la problématique de l’intégration. Les problèmes de discrimination, de ségrégation urbaine, de concentration de la population d’origine étrangère dans des quartiers sensibles, où le chômage et la délinquance sont les plus élevés, constituent des menaces pour notre cohésion nationale.

3.3. Troisième orientation : L’un des moyens privilégiés pour raffermir la cohésion nationale est de faire vivre les valeurs et principes républicains.

Les débats révèlent un large consensus sur les éléments constitutifs de l’identité nationale (l’histoire, la langue, la culture, la volonté de vivre ensemble) et sur un certain nombre de valeurs (liberté, égalité, fraternité, mais aussi laïcité, respect, tolérance, solidarité etc.). L’école, depuis la disparition du service national, est considérée comme un vecteur majeur de transmission des valeurs et des symboles de l’identité nationale. Le respect des symboles de la République revient également très fréquemment dans les débats, en particulier le respect du drapeau et l’hymne national. Enfin, certains participants soulignent l’écart qui se creuse entre les principes républicains qui sont réaffirmés, et la réalité de leur vie quotidienne, dans laquelle ils subissent des discriminations pour l’accès à l’emploi ou au logement.

3.4. Quatrième orientation : Beaucoup de participants insistent sur le civisme et sur le contrat républicain : un citoyen doit donner à la République et recevoir.

Le respect des droits et des devoirs apparaît comme une condition incontournable du vivre ensemble au sein de la communauté nationale. De nombreux participants souhaitent solenniser l’accession à la citoyenneté des étrangers et des Français à l’âge de la majorité, mais aussi revaloriser le civisme. D’autres insistent sur les symboles de la République. L’un d’entre eux propose par exemple de faire chanter la Marseillaise dans les rencontres de première division des championnats de France des principaux sports pratiqués en France. Un autre propose de faire participer l’ensemble des forces vives de la Nation à la fête nationale du 14 juillet : centres de loisir, monde associatif.

3.5. Quatrième orientation : Un consensus se dessine sur l’opportunité de l’ouverture au monde et à l’Europe. Nos concitoyens jugent important que la France jouisse d’un prestige mondial et s’investisse activement dans la construction européenne. La notion de « citoyen du monde » n’est pas partagée mais l’idée que notre Nation s’est construite sur des valeurs universelles qu’elle doit approfondir et partager est souvent évoquée.

La France dont parlent les Français est une France généreuse et ouverte sur les autres, sur l’Europe, sur le monde, sur l’avenir. C’est une France qui évolue avec son temps. C’est une France à laquelle chacun apporte ses origines, son histoire, sa contribution.

Les orientations et propositions issues du grand débat seront soumises avant la fin du mois à l’arbitrage du Président de la République et du Premier ministre.

Je cède maintenant la parole à Brice Teinturier, directeur général adjoint de TNS SOFRES, pour l’analyse des 26.000 premières contributions reçues et de la consultation en ligne.