Allocution de M. Eric Besson - FORUM OCDE sur les MIGRATIONS - Discours d’ouverture, lundi 29 juin 2009

29 juin 2009

Allocution de M. Éric Besson
Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale
et du développement solidaire

 FORUM OCDE sur les MIGRATIONS
Discours d’ouverture

Lundi 29 juin 2009

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,

Je remercie et je salue très chaleureusement le secrétaire général de l’OCDE, M. Angel Gurria et les organisateurs de ce forum politique à haut niveau sur les migrations. C’est, je crois, une première pour l’OCDE. L’enjeu est de taille car entre intérêts et craintes, le discours sur les migrations échappe trop souvent à la rationalité.

Ce ne sera pas le cas ici, car, pour en avoir discuté avec nombre de mes collègues présents, je sais que nous partageons des convictions très fortes sur ces sujets. Trois observations liminaires d’abord :

1. les migrations sont au coeur du phénomène de mondialisation. Celle-ci a encouragé par les progrès technologiques ou le développement des transports la mobilité croissante des individus, et donc les migrations ;
2. la crise économique que nous traversons produit ses premiers effets sur les migrations, en particulier sur la demande de visa ;
3. les réponses à apporter devront nécessairement être concertées et coordonnées. La régulation a regagné depuis peu ses lettres de noblesse. Le rôle d’institutions multilatérales, comme l’OCDE, est indispensable dans l’élaboration de nouvelles règles communes.

Ce sont ces trois points que je souhaite développer maintenant en partageant avec vous notre expérience française sur ces questions.

1. Les migrations constituent un défi mondial

1.1. Premier constat : la mobilité des hommes s’accroît.

• L’Organisation internationale pour les migrations recense plus de 200 millions de migrants à travers le monde : _ o 2,5 fois plus importante qu’en 1965, la population des migrants a un rythme de croissance supérieur à celui de la population mondiale sur la même période.
• Les flux sont beaucoup plus complexes que jadis, les pays devenant simultanément des pays d’origine, d’accueil et de transit, sans parler de l’émergence progressive de nouveaux pôles d’émigration et d’immigration.
• Enfin, la typologie des flux s’est diversifiée : des migrations temporaires (tourisme, étudiants) aux migrations permanentes, avec entre les deux, toute une palette de possibilités migratoires adaptées au parcours du migrant.

1.2. Ces tendances sont affectées par la crise actuelle.

En théorie, les migrations devraient diminuer avec la crise, les pays d’accueil devenant a priori moins attractifs.

De fait, pour la France, nous observons un tassement significatif des demandes de visas et des entrées :

• Sur les 4 premiers mois de l’année 2009, l’immigration professionnelle diminue de 8,7%.
• L’immigration familiale est moins affectée même si des exigences, notamment en termes de revenu, peuvent aussi freiner temporairement cette immigration.

Autre effet de la crise mais sur les transferts financiers des migrants. Décisifs pour le développement, ils baissent :

• Ils s’élevaient à 305 Mrds$ en 2008, soit 3 fois l’aide au développement (10% du PIB au Maroc ou au Liban).
• ils ont diminué avec le ralentissement et l’augmentation du chômage : -4% pour les pays d’Afrique subsaharienne par exemple.
Au-delà de la conjoncture, il faut en tirer des leçons pour l’avenir : il faut surveiller les risques procycliques des politiques de développement. Lorsque les transferts des migrants diminuent, l’aide publique au développement doit être maintenue.

2. Devant ces enjeux mondiaux, les politiques migratoires doivent être concertées et coordonnées.

Quel que soit l’impact de la conjoncture, les facteurs structurants des migrations, demeureront à moyen terme :

• La mondialisation encouragera toujours plus d’individus, mieux éduqués, à se déplacer, à s’installer, à découvrir de nouvelles cultures.
• Les crises politiques et les guerres continueront de nourrir le flot de réfugiés dans le monde : en 2007, on estimait leur nombre à 11,4 millions de personnes
• De nouveaux facteurs feront leur apparition, comme le réchauffement climatique.
A l’évidence, et c’est le haut-commissaire aux réfugiés des Nations unies, Antonio Guterres, qui l’affirme, « le XXIème siècle sera celui des peuples en mouvement ».

La réponse ne peut être celle du protectionnisme ou de la fermeture des frontières. Il faut une politique de gestion migratoire responsable, qui soit active et coordonnée.

2.1. Une politique de gestion migratoire active : « l’immigration choisie »

Une politique migratoire, c’est le droit souverain d’un Etat de déterminer qui a droit de séjour sur son territoire, et dans quelles conditions ce droit est accordé. Dès lors, les étrangers en situation irrégulière sur le territoire national ont vocation à rejoindre leur pays d’origine, par retour volontaire de préférence mais aussi par éloignement forcé.

Cette politique de fermeté vis-à-vis de l’immigration clandestine n’empêche pas la France d’accueillir chaque année durablement 200.000 étrangers, soit l’équivalent d’une ville comme Rennes, douzième ville en France. Ces orientations ne remettent en cause non plus la tradition d’accueil de notre pays : la France est redevenue le premier pays d’asile en Europe avec plus de 40.000 demandes. L’image de la forteresse parait bien éloignée de la réalité.

Au contraire, cette politique de gestion active de l’immigration régulière s’accompagne de dispositifs de soutien à l’immigration professionnelle : carte « compétence et talent » pour attirer les talents, carte « salarié en mission » pour faciliter les mobilités à l’intérieur des groupes internationaux ou encore carte de « travailleur saisonnier ».

La France a mis en oeuvre une politique de gestion fine des migrations, fondée sur la connaissance de ses besoins. De là est née une liste de « 30 métiers en tension » qui doit naturellement être révisable pour être pertinente. Elle est en cours d’analyse à ma demande.

2.2. Une politique de gestion concertée

Les stratégies nationales ne seront efficaces que si elles associent les pays d’accueil aux pays d’origine des migrants. C’est le sens des accords de gestion concertée des flux migratoires que la France met en oeuvre depuis 2007 avec ses partenaires :

 Ils favorisent les migrations circulaires, au service du développement local et des relations entre nos pays ;

 Ils évitent la fuite des cerveaux, tout en favorisant formation et expérience professionnelle en France ;

 Ils offrent un cadre de lutte renforcé contre les filières d’immigration irrégulière.
Neuf pays ont déjà signé ces accords. Des négociations pourraient être engagées avec une vingtaine d’autres pays.

2.3. Une politique de gestion coordonnée

Elle est impérative dans un espace de circulation comme Schengen. Dans cet esprit, la France a fait adopter le Pacte européen sur l’immigration et sur l’asile, en octobre 2008. Ses trois volets sont désormais connus :

• une migration légale facilitant la circulation des personnes ;
• une coopération renforcée en matière de lutte contre l’immigration clandestine ;
• une contribution au développement des pays d’origine, en mettant en oeuvre des projets de développement solidaire.

3. L’accueil et l’intégration constituent le volet complémentaire d’une politique migratoire réussie.

Notre Gouvernement a redéfini depuis 2007, une nouvelle politique d’accueil et d’intégration, reposant sur trois piliers :

• Agir tout au long du parcours d’intégration, dès le pays d’origine, en mettant l’accent sur le partage de la langue française et des valeurs de la République,
• Favoriser l’emploi et le logement des immigrés légaux
• Promouvoir les parcours de réussite

Du premier pilier est né le Contrat d’accueil et d’intégration signé par tout migrant volontaire.
Il s’agit ainsi de favoriser la connaissance de la langue mais aussi des valeurs de la République française par un apprentissage dès le pays d’origine. Ne pas respecter le contrat peut conduire au non renouvellement de la carte de séjour. En 2008, près de 104 000 personnes l’ont signé.

Favoriser l’emploi et le logement des immigrés légaux
Le taux de chômage moyen des étrangers est supérieur à 22%, soit le triple de la moyenne nationale. Pour favoriser l’insertion professionnelle, nous avons introduit le bilan de compétences professionnelles depuis le 1er décembre 2008. 60 000 personnes devront en avoir bénéficié en 2009.

Des actions sont également réalisées avec les entreprises :

• signature de protocoles d’accord Etat-entreprises pour l’embauche dans les secteurs des services à la personne, des transports et de la logistique ;
• promotion de la diversité grâce au « label diversité ».

En matière de logement, la rénovation des quartiers doit aller de pair avec la volonté de lutter contre les phénomènes de concentration urbaine des populations immigrées.

Enfin, la France a toujours honoré l’intégration par l’accès à la nationalité
Plus de 100.000 étrangers acquièrent chaque année la nationalité française, soit 4,4% de la population étrangère.

CONCLUSION

Monsieur le Secrétaire général,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames, Messieurs,

En introduisant ce colloque, j’ai souhaité partager directement avec vous les questions que nous nous posons en France. En évoquant la France, je crois pouvoir affirmer que les situations de nos pays respectifs convergent vers un socle politique commun, parfois avec des intensités ou des priorités différentes. Je l’ai évoqué déjà, les migrations constituent un phénomène global que nous devons traiter ensemble, pays du Nord et du Sud.

Nos différentes sessions, aujourd’hui et demain, seront l’occasion de faire le point sur chacune des approches et de nous ouvrir à une évaluation des politiques conduites dans un domaine sensible car il touche des hommes et des femmes. Nous ne pouvons l’oublier : les politiques migratoires ne sont pas des questions abstraites. Fermeté donc, mais aussi humanité sont nos guides.

Je vous remercie.