Intervention de M. Eric BESSON devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale, le mercredi 24 mars 2010

24 mars 2010

Intervention de M. Éric BESSON

Ministre de l’Immigration, de l’Intégration,de l’Identité nationale et du Développement solidaire

Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale

Mercredi 24 mars 2010

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Avec la création en mai 2007 d’un ministère regroupant l’ensemble des compétences en matière d’entrée et de séjour des étrangers, de naturalisation, d’exercice du droit d’asile, de promotion des valeurs républicaines et de la citoyenneté, ainsi que de gestion concertée des flux migratoires, la France a souhaité se donner les moyens d’une politique cohérente associant l’immigration, l’intégration, l’identité nationale et le développement solidaire.

Nous avons ainsi rejoint nos nombreux partenaires européens qui, à l’instar de la Suède, de la Finlande, du Royaume-Uni, de la Belgique, des Pays-Bas et de l’Espagne, ont choisi la voie d’un pilotage unifié des politiques d’immigration et d’asile.

Avec plus de 200 millions de migrants, 12 millions de réfugiés et des revenus de la traite des êtres humains qui atteignent désormais le deuxième rang des trafics illicites dans le monde, les flux migratoires constituent un enjeu planétaire qui recoupe tous les domaines de l’action extérieure de la France : la lutte contre la pauvreté, la sécurité, la solidarité internationale, l’attractivité de notre pays, l’avenir de la gouvernance mondiale. Les compétences de mon ministère sont au coeur de tous ces défis et de toutes ces opportunités pour la France, pour l’Europe et pour le Monde. Son action est centrale dans la politique européenne et internationale de notre pays.

1. La maîtrise des flux migratoires constitue un instrument essentiel du rayonnement et de l’attractivité de notre pays.

La France est fière de sa tradition d’accueil des étrangers. En 2009, elle l’a honoré en délivrant 1.842.801 visas de court séjour, 173.991 titres de long séjour et 108.275 nouvelles acquisitions de la nationalité française.

Comme l’ensemble de l’Union Européenne, notre politique d’immigration choisie répond à la triple exigence de mieux intégrer les étrangers présents dans notre pays, de satisfaire nos besoins spécifiques de main d’oeuvre en tenant compte de la situation du marché du travail, et d’encourager les migrations circulaires qualifiantes dans l’intérêt du pays d’accueil comme du pays d’origine.

En 2009, la baisse de l’immigration familiale s’est poursuivie (-12,3%). Le rééquilibrage avec l’immigration professionnelle a été provisoirement interrompu par la crise économique (-15,3%), après une hausse de 80% entre 2007 et 2008.

L’attractivité économique de la France continue d’être renforcée par de nouvelles mesures facilitant la circulation des compétences et l’installation des porteurs de projets qui contribueront à la croissance dans notre pays.

530 étrangers hautement qualifiés ont bénéficié d’une carte « compétences et talents » triennale en 2009, soit une hausse de 31%. Depuis le 15 septembre dernier, les étrangers qui créent ou sauvegardent 50 emplois, ou qui effectuent ou s’engagent à effectuer un investissement d’au moins 10 millions d’euros, peuvent se voir délivrer un titre de séjour de 10 ans sur le territoire national. La procédure simplifiée de recrutement de cadres dirigeants, au profit de la mobilité interne aux grands groupes internationaux, a été appliquée à 1.954 nouveaux titulaires de la carte « salarié en mission » (+17%). Ce dispositif sera complété par la transposition prochaine de la directive « carte bleue », qui crée un nouveau titre de séjour européen pour les ressortissants étrangers qualifiés.

L’objectif de 50.000 nouveaux étudiants étrangers fixé par le Président de la République et le Premier Ministre a été atteint, avec 50.669 premiers titres de séjour en 2009 (+1,9%). La diversification internationale des recrutements pour tenir compte des enjeux de la mondialisation a été poursuivie par l’agence Campus France, tout en consolidant les liens avec notre espace traditionnel d’influence. Plus de 10.000 étudiants chinois, 5.000 étudiants marocains et 4.000 étudiants algériens ont choisi notre pays en 2009.

Les salariés et les étudiants bénéficient désormais du visa de long séjour valant titre de séjour, qui supprime la double instruction de leur dossier par les consulats et les préfectures et réduit au minimum les formalités administratives.

2. Le renforcement des frontières extérieures de l’Union Européenne participe à la construction de l’espace européen de sécurité souhaité par la France.

Cette priorité est au coeur du pacte européen sur l’immigration et l’asile adopté en octobre 2008 sous la présidence française de l’Union Européenne.

La libre circulation des personnes dans l’espace Schengen constitue un formidable acquis. Nous devons prendre garde à ce qu’il ne soit pas remis en cause par les filières internationales qui en détournent les règles à leur profit. La situation est intenable en Méditerranée, où des centaines de migrants sont chaque année victimes de la traite des êtres humains. Les frontières de la France sont désormais en Mer Egée, à Patras et à Brindisi. Ce qui se passe aux frontières méridionales de l’Union Européenne est l’affaire de l’ensemble des Etats membres qui doivent mettre en oeuvre de nouvelles politiques. La découverte de 123 Kurdes syriens sur une plage de Corse-du-Sud, le 22 janvier dernier, a montré que la France pouvait être une cible directe des groupes mafieux internationaux opérant dans cette région.

Dès l’été 2009, j’ai plaidé, avec le Président de la République, pour le renforcement urgent des frontières européennes. A l’initiative de la France, l’ensemble des ministres européens chargés de l’immigration, réunis à Bruxelles le 25 février dernier, ont adopté une feuille de route de vingt-neuf mesures vers la création d’une police européenne aux frontières. Ce programme d’action comporte en particulier :
 Le développement urgent des capacités opérationnelles de l’agence européenne Frontex.
 Des vols organisés et co-financés par Frontex pour des opérations de reconduite à l’échelle européenne.
 Un programme européen de formation des gardes-frontières.
 La recherche de coopérations opérationnelles systématiques entre Frontex et les principaux Etats d’origine et de transit, notamment dans le cadre des opérations maritimes en Méditerranée.
 L’ouverture de négociations immédiates avec la Turquie, et dès que possible avec la Libye, pour conclure des accords de réadmission et développer les capacités de surveillance des frontières terrestres et maritimes de ces deux pays qui constituent les principales portes d’entrée de l’immigration irrégulière vers l’espace Schengen.

La révision du règlement de l’agence Frontex devra notamment permettre la mise en oeuvre sans délai de toutes ces mesures.

Au-delà de nos efforts dans le cadre européen, la lutte contre la traite des êtres humains constitue une priorité nationale. Le démantèlement des filières qui exploitent et rançonnent les migrants est menée de concert avec tous nos principaux partenaires européens.

145 filières (+44%) ont été démantelées et 4.734 trafiquants (+10%) ont été interpellés par les services de police en 2009.

A l’occasion du sommet bilatéral d’Evian du 6 juillet 2009, j’ai obtenu l’engagement du Royaume-Uni de renforcer notre frontière commune par la création d’un centre conjoint de renseignement et par une nouvelle organisation des contrôles dont tous les investissements seront pris en charge par les Britanniques. Il s’agit d’un rééquilibrage sans précédent des charges, qui traduit la prise en compte de notre responsabilité commune pour mettre fin au trafic de migrants sur le littoral de la Manche et de la Mer du Nord.

Les résultats sont au rendez-vous. Depuis le démantèlement de la « jungle », l’activité des filières d’immigration irrégulière a été diminuée par 10, avec seulement 150 migrants découverts dans le port de Calais ce mois de mars, contre 1.452 en septembre 2009. Le Calaisis n’est plus une plateforme logistique pour les trafiquants. Depuis le début de l’année, 3 nouvelles filières internationales ont été démantelées et 74 trafiquants ont été interpellés.

De nouvelles coopérations avec les pays d’origine seront également recherchées en 2010 pour lutter contre les filières à la source.

3. Si la France est ferme contre les trafiquants, elle est aussi généreuse et solidaire avec les personnes fuyant les persécutions.

En 2009, 42.000 personnes ont demandé l’asile à la France, soit une croissance de 19% (+43% sur 2 ans). La France reste ainsi le premier pays européen et le deuxième pays dans le monde pour le nombre de demandes d’asile reçues. 10.394 titres de séjour de réfugiés ont été délivrés au cours de l’année 2009, soit une augmentation de 20% en deux ans. Les Centres d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA) sont passés de 5.000 places en 2000 à 17.000 en 2006 et 21.000 en 2009. Et j’ai décidé l’ouverture de 1.000 places supplémentaires cette année. Le budget de l’asile augmentera de nouveau de plus de 10% en 2010 et dépassera 318 millions d’euros, soit plus de la moitié du budget du ministère.

Le pacte vingt fois séculaire entre la France et la grandeur du monde, nous l’honorons chaque jour en accueillant les personnes persécutées et les défenseurs des droits humains qui savent pouvoir trouver dans notre pays un refuge. Nous l’honorons également en promouvant la solidarité européenne en matière de réinstallation de réfugiés, par l’accueil en 2009 de 1200 réfugiés irakiens dans le cadre d’une initiative de l’Union Européenne sur proposition de la France, et de 92 personnes s’étant vus octroyer la protection internationale par la petite île de Malte. Nous reconduirons cette dernière opération en 2010, et je me réjouis que nous ayons été rejoints par neuf autres pays européens.

La fidélité à nos valeurs d’asile impose aussi de ne pas les voir remises en cause par les filières d’immigration irrégulière. La demande d’asile ne doit pas devenir un moyen de contourner les mesures prises pour maîtriser les flux migratoires. La France poursuivra ses efforts pour parvenir d’ici 2012 à la création d’un régime d’asile européen commun, conformément au pacte européen sur l’immigration et l’asile. L’harmonisation de nos politiques à l’échelle de l’Union Européenne constitue la seule voie possible pour mettre fin au « supermarché européen » de l’asile qui fait le jeu des trafiquants, tout en garantissant un niveau élevé de protection aux réfugiés. Une première étape sera franchie dès 2010 avec la création du bureau européen d’appui en matière d’asile, qui sera installé à Malte et qui favorisera une meilleure coordination des pratiques nationales.

4. Notre politique d’immigration repose sur un partenariat avec les pays d’origine.

La gestion concertée des flux migratoires met en oeuvre une approche globale des migrations, qui associe lutte contre l’immigration irrégulière, promotion de la migration légale et développement solidaire.

Huit accords de gestion concertée des flux migratoires ont été conclus par mon prédécesseur avec le Gabon, le Congo, le Bénin, le Sénégal, le Burkina Faso, le Cap Vert, l’Ile Maurice et la Tunisie.

Notre stratégie de négociation des accords s’attache désormais à saisir la diversité des flux d’immigration légale et illégale vers la France dans le cadre d’une stratégie mondiale. Le moment est venu d’une approche « sur mesure », adaptée à la situation de chacun des pays et exigeante en matière de réciprocité.

La circulation des personnes fait désormais pleinement partie des partenariats noués par la France avec les grands pays émergents. L’arrangement administratif signé le 7 septembre 2009 avec le Brésil constituera notamment le cadre dans lequel nous prendrons ensemble les mesures nécessaires pour accompagner l’ouverture d’un pont sur l’Oyapock à l’automne 2010, reliant la rive brésilienne à la Guyane. Un accord de réciprocité facilitant les migrations professionnelles des personnes hautement qualifiées a été conclu avec la Russie le 27 novembre dernier. Des discussions ont été engagées avec l’Inde et le Vietnam.

Nous contribuons également au rapprochement européen des Balkans occidentaux par une politique migratoire attractive et par le renforcement de la lutte contre l’immigration irrégulière. A la suite de la suppression des visas européens, trois accords portant sur la mobilité des jeunes ont été signés avec la Macédoine, le Monténégro et la Serbie. En favorisant les migrations circulaires qualifiantes au profit des étudiants, des jeunes professionnels et des stagiaires, la France contribue à offrir à la jeunesse de ces pays les instruments pour construire son avenir dans l’Union Européenne.

Un million d’euros seront mobilisés sur trois ans en faveur de bourses d’accès aux écoles d’ingénieurs et pour la création d’un dispositif sans précédent de plateforme d’emplois. L’objectif est de favoriser l’accès de ces jeunes à des offres d’emploi correspondant à leur profil et de leur proposer des perspectives de réinsertion dans leur pays à l’issue d’une première expérience professionnelle. Ce projet sera mis en oeuvre en partenariat étroit avec les entreprises françaises qui développent leurs activités dans la région de l’ex-Yougoslavie. Un programme de coopération permettra également au Kosovo de renforcer ses capacités de lutte contre les filières d’immigration irrégulière et de la traite des êtres humains.

L’ensemble de nos partenaires européens ont choisi de suivre la voie ouverte par la France pour mettre en oeuvre une gestion concertée des flux migratoires. Dans la lignée du pacte européen sur l’immigration et l’asile, l’Union Européenne a conclu plusieurs partenariats pour la mobilité avec des Etats tiers présentant un intérêt migratoire et politique particulier, notamment dans son proche environnement régional. Nous mettrons en oeuvre les partenariats avec la Géorgie et la Moldavie en négociant des accords bilatéraux avec ces pays.

La France poursuivra les discussions avec ses partenaires d’Afrique subsaharienne. Un accord a été signé en mai 2009 avec le Cameroun. De nouveaux accords seront conclus avec des pays africains devenus terre d’immigration : nous avons achevé les négociations avec la Guinée Equatoriale et des propositions seront prochainement adressées à l’Angola.

Nous rénoverons également nos relations migratoires avec l’Algérie et le Maroc, afin de poursuivre et d’approfondir la dimension humaine de notre relation d’exception.

Au total, quatorze accords de gestion concertée des flux migratoire ont été signés par la France, avec l’objectif de parvenir à au moins vingt accords d’ici 2012, conformément à l’objectif fixé par le Président de la République et le Premier Ministre.

5. La création d’un Office Méditerranéen de la Jeunesse permettra également d’inscrire la mobilité des jeunes au coeur de l’Union pour la Méditerranée.

Je lancerai ce projet avec mon homologue marocain les 29 et 30 avril prochain à Tanger. L’objectif est de parvenir à la mise en place de cet office d’ici le 1er janvier 2011, conformément aux recommandations adoptées à Paris lors du séminaire ministériel méditerranéen que j’avais réuni le 14 décembre dernier.

Dans un premier temps, l’office associera l’ensemble des pays riverains de la Méditerranée qui souhaiteront mettre en oeuvre un projet pilote pour la mobilité des jeunes autour de trois volets :
 Faciliter la libre circulation des étudiants de certaines filières universitaires d’excellence identifiées au Nord comme au Sud de la Méditerranée pour leur capacité à construire les compétences de demain.
 Organiser l’accès de ces étudiants à des bourses méditerranéennes, en mobilisant tant des bailleurs publics que le secteur privé, pour leur permettre de financer ce parcours d’excellence.
 Promouvoir l’exercice par ces étudiants d’une première expérience professionnelle dans le pays méditerranéen de leur choix, en levant les contraintes administratives et en les faisant bénéficier pendant toute leur scolarité d’un parrainage par des réseaux d’anciens élèves et de chefs d’entreprise.

Un consortium méditerranéen sera constitué pour conduire ce projet pendant une période d’expérimentation de trois ans. D’autres projets pilotes dans le domaine de la jeunesse pourront s’ajouter à la première « brique » sur la mobilité, en vue de préparer l’institutionnalisation de l’Office, à terme, dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée.

6. Le développement solidaire doit progressivement conduire à placer les enjeux migratoires au centre de notre politique d’aide publique et de recherche de financements innovants du développement.

Au titre du programme budgétaire 301 voté par le parlement, 32,7 millions d’euros (crédits de paiement) - +32% - seront consacrés en 2010 à des actions de développement dans les pays source d’immigration :
 20,3 millions dans le cadre des accords de gestion concertée des flux migratoires.
 7,6 millions pour des projets impliquant les migrants.
 3 millions pour les aides à la réinstallation et à la création d’activités productives mises en oeuvre par l’office français de l’immigration et de l’intégration.
 900 000 pour des partenariats multilatéraux.
 Le reste correspondant au reliquat du fonds de solidarité prioritaire « codéveloppement » transféré du ministère des affaires étrangères en janvier 2008.

De 2008 à 2010, la France aura ainsi dédié 78 millions d’euros, soit 0,8% de son aide publique au développement, à la réduction de la pauvreté dans les principales régions d’émigration, à la mobilisation des compétences des migrants au profit du développement de leur pays d’origine et à l’encouragement des migrations circulaires qualifiantes.

Ces interventions se concentrent sur quatre principaux secteurs :
 L’éducation et la formation professionnelle (48,8%).
 Le micro-crédit et la création de micro-activités (15,6%).
 Le développement rural (14,2%).
 La santé (9,8%).

L’Agence française de développement en est le principal opérateur, dans le cadre d’une convention spécifique avec mon ministère qui est l’un des trois membres de son conseil d’administration.

Sur les 14 accords de gestion concertée des flux migratoires signés à ce jour, 11 prévoient des projets de développement solidaire, pour un montant total de 94 millions d’euros entre 2008 et 2014. Ces actions concernent principalement :
 La Tunisie, pour 40 millions d’euros consacrés à la création de centres de formation professionnelle dans les domaines de l’aéronautique, de la mode, de la pêche, des travaux publics et des métiers du bois et du métal.
 Le Sénégal et le Cameroun avec respectivement 12 et 14 millions d’euros, pour la création d’activités productives en milieu urbain et en zone rurale.
 Le Bénin, avec 9 millions d’euros pour un programme de santé visant à valoriser les ressources et potentialités de la diaspora médicale de ce pays, ainsi qu’au développement des structures médicales de base et à la mise en place d’un plateau technique de référence régionale.

La création d’entreprises par les migrants sera renforcée par des dispositifs spécifiques mis en oeuvre en Afrique subsaharienne et au Maghreb :
 Soit par des appels à projets auprès des migrants, comme dans le cadre des programmes « Entrepreneurs en Afrique » et « 1000 PME au Maroc ».
 Soit au travers de partenariats multilatéraux, à l’instar du fonds mis en place avec la Banque africaine de développement et le Fonds international pour le développement agricole, dont j’ai signé la convention le 23 octobre dernier et auquel la France consacrera au total 6 millions d’euros.

La prise en compte des migrations comme l’un des principaux enjeux globaux du monde contemporain nécessite désormais d’en faire un axe central de notre aide publique au développement en mobilisant l’ensemble du réseau interministériel. Le 5 juin 2009, j’ai obtenu du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) que les pays ayant conclu un accord migratoire avec la France puissent bénéficier d’un traitement préférentiel en matière d’APD. Il faut maintenant mettre en oeuvre cette décision en mettant fin à l’esprit de « boutique » qui peut parfois tenter certains acteurs : l’aide publique au développement n’est la propriété d’aucun ministère.

La même approche interministérielle doit nous permettre de mobiliser des financements innovants. Les transferts de fonds des migrants représentent près de trois fois le total de l’aide publique au développement mondiale, et jusqu’à 15 à 20% du produit intérieur brut des pays africains. En France, ils s’élèvent à plus de 4 milliards de dollars. Nous devons faciliter ces versements et encourager leur contribution au développement d’activités créatrices de richesse durable. Mon ministère a été chargé par le CICID de conduire ce chantier avec le ministère de l’économie. Les objectifs sont de parvenir à réduire de moitié les coûts des transfert, en favorisant la concurrence entre les établissements spécialisés et la transparence des prix, et de proposer des produits d’épargne et de micro-crédits adaptés et suffisamment attractifs.

Une première étape a été franchie avec la transposition de la directive européenne sur les services de paiement, qui réduit les barrières à l’entrée sur le marché des transferts internationaux de fonds. Avec Christine Lagarde, j’inaugurerai prochainement le nouveau site « envoidargent.fr », qui permettra de comparer les tarifs pratiqués par 17 établissements opérant dans 21 pays. Sur la base des propositions qui seront présentées début avril par le groupe de travail créé à l’issue du CICID, je prendrai d’autres initiatives, avec pour objectif de mobiliser l’ensemble des acteurs concernés lors du prochain sommet Afrique-France.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Les flux migratoires construisent le monde de demain, avec ses déséquilibres, ses risques et ses espoirs. Il est grand temps que notre politique étrangère en prenne toute la mesure, comme c’est déjà le cas chez l’ensemble de nos partenaires. La mission qui m’a été confiée par le Président de la République doit pouvoir trouver un relais indispensable dans notre diplomatie. Sur l’ensemble de ces sujets, la voix de la France mérite d’être portée avec force et conviction dans toutes les enceintes internationales. Si l’exception française était de ne pas pouvoir y parvenir, ce serait un renoncement qui pénaliserait tant la place de la France dans le monde que l’avenir de notre pays et de sa cohésion nationale.