Discours d’Eric BESSON lors du lancement de l’opération « Les ambassadrices de la laïcité et de l’égalité hommes-femmes », le mercredi 27 octobre 2010

27 octobre 2010

Lancement de l’opération« Les ambassadrices de la laïcitéet de l’égalité hommes-femmes »

Discours d’Éric BESSON,

Ministre de l’immigration, de l’intégration,de l’identité nationale et du développement solidaire

Paris, le mercredi 27 octobre 2010

Seul le prononcé fait foi

Madame la Présidente du mouvement Ni Putes Ni Soumises, chère Sihem HABCHI,
Monsieur le député André GERIN, Président de la mission parlementaire sur le voile intégral,
Madame la députée Claude GREFF,
Mesdames et messieurs les responsables associatifs,

Je voudrais tout d’abord vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de votre présence ici, pour le lancement de cette opération, intitulée « Les ambassadrices de la laïcité et de l’égalité hommes-femmes ».

L’égalité hommes femmes se situe au cœur de notre pacte républicain. L’égalité hommes femmes, c’est tout simplement la dignité de la femme. C’est un combat de société, qui doit nous engager tous. Je voudrais rendre un hommage particulier à ces acteurs associatifs, courageux et engagés, qui prennent des risques tous les jours pour informer, prévenir et accompagner les femmes victimes de violences, et protéger les droits des femmes, partout où ils sont bafoués.

Je tiens tout particulièrement à saluer les associations de défense des droits des femmes ici présentes, comme « Regards de Femme », la « Ligue Internationale du Droit des Femmes », et « Vive les Femmes », mais aussi l’ensemble des associations de quartiers, qui agissent au quotidien au plus près des femmes victimes de violence.

L’égalité hommes femmes est un combat permanent. Et la France doit être le fer de lance de ce combat.

Un certain nombre de pays ne partagent pas la même exigence d’égalité et de dignité que celle de notre République. C’est pourquoi il est essentiel de rappeler sans cesse que la laïcité et l’égalité hommes femmes s’opposent à un certain nombre de pratiques qui visent à exclure les femmes de notre espace social.

Il y a bien sûr les créneaux réservés aux femmes dans les équipements publics. Il y a l’interdiction de participer aux mêmes séances d’éducation physique que les garçons. Il y a l’enfermement et la mise à l’écart de la vie sociale. Il y a le port du voile intégral. Il y a la polygamie. Il y a les pratiques intolérables de mutilation et d’excision. Partout dans le monde, les femmes et les enfants ont toujours été, et sont toujours, les premières victimes des obscurantismes.

Car vous l’avez bien dit, Sihem HABCHI, lors de votre audition par la mission parlementaire sur le voile intégral présidée par André GERIN : « toutes les femmes n’ont pas les mêmes possibilités d’émancipation ». C’est particulièrement vrai des femmes immigrées, qui viennent de pays où leurs droits fondamentaux ne sont pas respectés. Ces femmes sont souvent victimes d’un double enfermement, dans leur tradition et dans leur foyer.

Notre République doit rester fidèle à sa tradition d’accueil et d’intégration. Elle accorde chaque année plus de 180.000 autorisations de long séjour sur son territoire. Elle donne sa nationalité à près de 130.000 personnes par an. Mais cette générosité pour l’accueil et l’intégration doit avoir une contrepartie. Cette contrepartie, c’est l’exigence du respect des règles essentielles de notre pacte républicain, au premier rang desquelles l’égalité et la dignité.

Notre Nation a ceci de particulier de n’être fondée ni sur une juxtaposition de communautés, ni sur une coopération entre régions, mais sur l’adhésion à des valeurs communes, qui sont celles de notre République.

L’égalité entre les hommes et les femmes n’occupe pas la même place dans les valeurs de certains pays d’origine. Les personnes qui immigrent en France doivent clairement savoir que l’égalité hommes femmes est l’une des valeurs cardinales de notre identité nationale.

A partir du 25 novembre prochain, les 15 ambassadrices de la laïcité et de l’égalité hommes-femmes iront, pendant 5 mois, à la rencontre des habitants des quartiers les plus sensibles, afin de promouvoir la laïcité et l’égalité entre les hommes et les femmes, partout où elle est menacée.

Ces 15 femmes, pour la plupart issues de l’immigration, et ayant toutes déjà été confrontées à ces violences, se déplaceront dans 13 communes d’Ile-de-France et 9 grandes villes de province. Elles y animeront des réunions et des débats locaux, dans les maisons de quartier. Elles s’exprimeront pour sensibiliser toute la population, car il est évident qu’il ne faut pas seulement convaincre celles et ceux qui ont déjà des pratiques radicales, mais tous ceux qui pourraient basculer demain dans l’intégrisme. Elles iront dans les établissements scolaires, à la rencontre des jeunes qui sont à la fois les plus exposés à la pression de leur environnement, et les meilleurs relais, pour l’avenir, de l’émancipation des femmes. Elles iront aussi au contact direct de la population. Elles se présenteront à la porte des appartements, là où la violence contre les femmes, parce qu’elle est la moins visible, est la plus redoutable.

J’encourage toutes les associations à travailler en commun pour porter cette parole d’autonomie sur tout le territoire.

Ces 15 ambassadrices de la laïcité et de l’égalité hommes femmes seront appuyées et relayées dans leurs démarches par une plate forme d’accueil des femmes victimes de violence, accessible par téléphone, par mail ou par courrier. Car il ne suffit pas de prévenir les violences faites aux femmes, il faut aussi accompagner toutes celles qui veulent en sortir. Les femmes accueillies sur cette plate-forme bénéficient d’une assistance sociale, juridique et psychologique. En 2009, 4000 femmes ont déjà sollicité l’association, plus de 1000 ont reçu un soutien individuel. Je souhaite que les partenariats engagés avec tous les professionnels – avocats, psychologues, assistantes sociales, membres d’associations – soient consolidés pour permettre à toutes les victimes de violence de regagner leur autonomie et leur dignité.

Les 80.000 Euros que mon ministère va engager à travers la convention que nous allons signer dans quelques instants vont y contribuer. Cette convention va notamment permettre de renforcer la formation des personnels de la plateforme à l’écoute et à l’orientation des femmes en souffrance.

Cette convention vient à la suite d’un certain nombre d’initiatives fortes prises par le Gouvernement et le Parlement pour la lutte contre les violences faites aux femmes :

› Le Gouvernement a tout d’abord fait de la lutte contre les violences faites aux femmes la grande cause nationale de l’année 2010.

› Sous l’impulsion de Nadine MORANO, la Secrétaire d’État chargée de la famille, des « référents violences » sont en cours de déploiement sur tout le territoire, pour aider les femmes dans leurs démarches administratives, sociales et judiciaires.

› Les moyens de la plate-forme d’écoute téléphonique du 3919 ont été consolidés, pour répondre aux 80.000 appels enregistrés chaque année. 12.000 places en centre d’hébergement et de réinsertion sociale ont été réservées à l’accueil d’urgence des femmes victimes de violences.

› Afin de renforcer notre arsenal juridique, une proposition de loi renforçant la protection des victimes ainsi que la prévention et la répression des violences faites aux femmes a été adoptée à l’unanimité le 29 juin dernier, avec le soutien du Gouvernement. Elle crée une ordonnance de protection, qui permettra au juge de décider sans délai de mesures de protection des victimes, sans même qu’il soit besoin d’un dépôt de plainte. Toutes les femmes pourront bénéficier dans le cadre de cette ordonnance de l’aide juridictionnelle, sans condition de résidence. Afin de protéger les mineures menacées de mariage forcé ou de mutilations sexuelles, la sortie du territoire pourra leur être interdite par le procureur de la République. Par ailleurs, la proposition de loi crée un nouveau délit de violences psychologiques au sein du couple. Enfin, afin de mieux protéger les victimes de violence et de prévenir la récidive, un amendement du Gouvernement a été voté, pour permettre de contrôler, par le port d’un bracelet électronique, le respect d’une décision judiciaire d’éloignement en cas de violences au sein d’un couple.

› Le Parlement a aussi adopté le 11 octobre dernier, de nouveau à l’unanimité, le projet de loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, présenté par la Garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie. Cette interdiction est assortie de sanctions : un an d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende dans le cas où une femme est forcée à porter le voile intégral, 150 euros d’amende dans le cas où une personne le porte volontairement. Un stage de citoyenneté peut être prescrit sur décision du juge, en complément voire en substitution de cette peine.

Cette interdiction laisse une large place à la médiation. Ainsi, l’interdiction de dissimulation volontaire du visage n’entrera en vigueur que le 11 avril 2011, après 6 mois de pédagogie et d’explication. Il ne s’agit donc pas de s’en remettre à la seule force de la sanction, mais bien de susciter, au terme d’un dialogue, l’adhésion à des valeurs et à un idéal. Les 15 ambassadrices de l’égalité hommes femmes devront contribuer à ce dialogue et à cette adhésion, mais ne limiteront pas leur intervention à la seule question du voile intégral.

Concernant la campagne de médiation préalable à l’entrée en vigueur de l’interdiction du voile intégral, un plan d’information et d’accompagnement spécifique sera prochainement lancé. Il est actuellement en cours d’arbitrage interministériel. Il associera un grand nombre de ministères, notamment les ministères de la Justice, de l’Intérieur, des Affaires étrangères, des Affaires sociales, de la Fonction publique, de la Santé, de l’Éducation. Ce plan est indispensable. Le port du voile intégral est une atteinte inacceptable à la dignité de la femme. Il est aux antipodes de l’idée que nous nous faisons de la vie en commun.

Mesdames et Messieurs,

Le fondement de notre Nation, ce qui la fait grandir et prospérer, c’est l’adhésion à des valeurs communes. Nous partageons tous, par delà notre diversité, un même attachement à ces valeurs. Face à l’intégrisme et au communautarisme, il est de notre devoir de réaffirmer le principe d’égalité entre les hommes et les femmes et de tout mettre en œuvre pour qu’il se traduise dans les actes autant que dans les mots. Nous le devons à toutes les femmes et les filles qui se battent chaque jour pour faire respecter leur dignité et leur droit.

Je vous remercie de votre attention.