Conformément aux engagements pris par Eric Besson, l’opération de démantèlement de la « jungle » de Calais a été engagée mardi 22 septembre 2009

22 septembre 2009

Allocution de M. Éric Besson
Ministre de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale
et du développement solidaire

Conférence de presse

Démantèlement de la « jungle »

Sous-préfecture de Calais

Mardi 22 septembre 2009

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Préfet,
Mesdames, Messieurs,

Je viens de prendre connaissance des derniers comptes rendus des services de l’Etat sur l’opération de démantèlement de la jungle, engagée ce matin à 7h30.

Les fonctionnaires de police et de gendarmerie ont été déployés en nombre pour sécuriser cette opération. L’objectif de cette présence massive est précisément d’éviter tout débordement et de dissuader toute violence.

Un service de santé participe également à l’opération. 30 interprètes, parlant les deux principaux dialectes pratiqués dans le campement, le farsi et le pachtoun, assistent les services de l’Etat. 3 bulldozers, une dizaine de camions, une équipe de nettoyage spécialisé, et une équipe de bucheronnage, sont d’ores et déjà mis en place, pour rendre le terrain à son état naturel et ne plus permettre d’éventuelles réinstallations.

L’opération se déroule comme prévue.

J’ai fait le choix d’annoncer cette opération au préalable, car mon objectif n’est pas d’interpeller le maximum de migrants, en les surprenant au lever du jour, mais de détruire une plaque tournante du trafic d’êtres humains. Cette opération ne vise pas les migrants eux-mêmes. Elle vise la logistique des passeurs, l’outil de travail de ces filières mafieuses, qui leur vendent très cher le voyage vers l’Angleterre, les exploitent, et les font vivre dans ce qui est devenu au fil du temps une véritable décharge à ciel ouvert.

Cette opération s’inscrit dans la continuité de l’action engagée depuis mon précédent déplacement à Calais, le 23 avril dernier. Cette action conjugue fermeté et humanité. Elle repose sur trois objectifs :

 Restaurer l’Etat de Droit : J’ai demandé au Préfet de démanteler l’ensemble des squats et des campements clandestins présents autour de Calais, et de s’attaquer aux filières clandestines qui les exploitent. Depuis 6 mois, un squat ou campement est fermé chaque semaine. Et 30 filières clandestines ont été démantelées. Le dernier démantèlement a eu lieu mercredi dernier. A la suite de 2 mois d’investigations, 3 des 5 principaux individus contrôlant le trafic de migrants dans la jungle ont été interpellés. Les deux mois de surveillance effectués par la Police Aux Frontières ont pu démontrer que ces individus faisaient passer les migrants à un rythme de plus de 100 par mois, en recourant presque systématiquement à des dégradations sur les camions, et des violences sur les chauffeurs voire sur les migrants eux-mêmes.

 Renforcer l’étanchéité de la frontière : Seul le signal que le passage par Calais n’est plus possible permettra de dissuader durablement les filières clandestines. J’ai signé le 6 juillet dernier un accord avec mon homologue britannique, qui nous permettra d’améliorer significativement l’efficacité des contrôles à la frontière.

 Apporter une aide humanitaire aux migrants les plus fragiles : J’ai décidé l’ouverture à Calais d’une permanence de recueil des demandes d’asile, qui est opérationnelle depuis le 5 mai dernier. Le Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) des Nations Unies et l’association France Terre d’Asile ont accepté de participer à cette campagne d’information des migrants sur leurs droits. 170 demandes d’asile ont pu être enregistrées depuis le 1er janvier, avec délivrance d’un titre de séjour provisoire et d’un hébergement pour 50 demandeurs. Je viens de conclure une convention avec l’association France Terre d’Asile afin de reconduire un dispositif d’accompagnement renforcé vers la demande d’asile pour les quatre prochains mois. Par ailleurs, j’ai demandé que soit proposé à chacun des étrangers en situation irrégulière présents dans la jungle un retour volontaire dans son pays d’origine, avec un petit pécule, lui permettant de se réinstaller. Cette proposition de retour volontaire a été mise en place en partenariat avec l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). 180 ont accepté cette proposition depuis le 1er janvier. Ce chiffre est à comparer aux 60 aides au retour volontaire délivrées à des ressortissants afghans pour toute l’année 2008, sur l’ensemble du territoire national. Des hébergements ont enfin été proposés à intervalles réguliers, mais ils ont presque tous été refusés parce que la plupart de ces personnes souhaitent rester à proximité du port de Calais, dans l’espoir de passer en Angleterre.

Ce matin, nous renouvelons auprès de chacune des personnes interpellées, dans le cadre d’auditions individuelles, les propositions d’hébergement, de dépôt de demande d’asile, et d’aide au retour volontaire. Pour ceux qui continuent à refuser ces propositions, nous envisagerons une procédure de retour contraint dans le pays d’origine, en examinant à la fois la situation de la personne concernée, et celle du pays concerné.

Au total, il y avait environ 700 personnes dans ce village clandestin il y a trois mois. Il en restait environ 300 la semaine dernière. Il n’en reste plus aucun à l’instant où je m’exprime devant vous.

En engageant cette opération, j’ai choisi l’action, face à une situation qui me paraissait inacceptable, mais je suis bien conscient que certains préfèrent toujours l’inaction. Ce parti du laisser faire a toujours les trois mêmes théories :

Première théorie du laisser faire : La situation ne serait pas si grave, la « jungle » s’apparentant à un camp humanitaire.

Cette vision est particulièrement choquante. Ce village clandestin est soumis à la seule loi des passeurs, qui y font régner un ordre fondé sur le racket et la violence. Ce village clandestin ne dispose d’aucun assainissement, d’aucune eau potable, d’aucune commodité. Une épidémie de gale s’y est même développée depuis plusieurs mois. Aux brutalités dont sont victimes les clandestins s’ajoute la montée de l’insécurité dans la zone. Des enfants ont été agressés sur le chemin de l’école. Les intrusions et vols se multiplient. Les entreprises voisines ne peuvent plus travailler normalement.

La deuxième théorie du laisser faire est plus classique : Il ne servirait à rien de démanteler la jungle, parce que le problème serait simplement déplacé plus loin.

Dans toutes les opérations menées contre les trafics d’armes, de drogues, ou d’être humains, à chaque fois qu’un réseau de trafiquants ou une plaque tournante est démantelée, quelques bonnes âmes indiquent toujours que le combat est inutile, parce qu’il n’est pas terminé.

Je suis pour ma part pleinement conscient que ce démantèlement de la jungle - je l’ai répété à de multiples reprises – ne signifie pas la fin de la lutte contre les filières clandestines à Calais. C’est une étape importante, parce nous allons casser le principal outil de travail des filières clandestines dans la région. Mais d’autres opérations suivront, partout où les réseaux clandestins chercheront à se réinstaller. La lutte contre le trafic des êtres humains doit être permanente. Ces réseaux sont aussi ceux du travail clandestin, de l’exploitation, du proxénétisme. C’est un combat difficile mais essentiel, qui ne se termine pas aujourd’hui, et qui mérite notre acharnement.

Troisième théorie du laisser faire : Il ne servirait à rien de démanteler la jungle, parce qu’elle reflète les incohérences des politiques européennes dans les domaines de l’immigration et de l’asile.

Cette troisième théorie est la plus surprenante. La France devrait suspendre son combat contre les filières clandestines, jusqu’à ce que les 27 Etats membres de l’Union européenne achèvent leurs discussions en cours sur les politiques d’immigration et d’asile !

Soyons clairs, je partage l’analyse selon laquelle l’une des principales causes de la situation à Calais réside dans les incohérences entre les politiques nationales d’immigration et d’asile, au sein même de l’Union européenne. Les politiques européennes de l’immigration et de l’asile doivent être mises en cohérence. J’y travaille très activement.

J’ai présenté hier au conseil des ministres européens de nouvelles propositions françaises sur l’immigration et sur l’asile, qui cherchent précisément à répondre à ces difficultés.

Concernant l’asile, la France a déjà obtenu, à l’initiative de mon prédécesseur Brice HORTEFEUX, la création d’un bureau européen d’appui, qui sera installé dès 2010 et sera chargé de coordonner les politiques nationales. La France s’engage par ailleurs activement dans les discussions en cours concernant la révision de la convention de Dublin. J’ai rencontré à ce sujet jeudi dernier le Haut-Commissaire aux Réfugiés (HCR) des Nations Unies. Le partage de vues est complet. Face à la situation de certains pays comme la Grèce, Chypre, Malte ou l’Italie, qui sont en première ligne face aux flux d’immigration irrégulière, la France souhaite une plus grande solidarité européenne. Elle a donné l’exemple, en étant le premier pays européen à mettre en œuvre un programme de réinstallation de réfugiés présents à Malte. Je suis convaincu que nous ne pourrons pas demander à ces pays d’être plus ouverts aux demandeurs d’asile, et éviter ainsi que ceux-ci partent vers d’autres pays européens, si nous ne leur proposons pas, en même temps, cette plus grande solidarité. Le programme de réinstallation engagé par la France est d’ailleurs cité comme modèle par la Commission européenne.

Concernant les politiques d’immigration, l’Europe s’est dotée, avec les accords de Schengen, d’une grande zone de libre-circulation et d’une frontière commune, mais elle ne s’est pas dotée d’une police aux frontières, capable de contrôler cette frontière commune. Nous avons mis en commun la frontière, sans mettre en commun les moyens de contrôler la frontière. C’est pourquoi j’ai proposé à mes homologues européens, lors de notre réunion hier à Bruxelles, la création d’une véritable police européenne des frontières.

Cette police européenne aux frontières, c’est aussi l’une des réponses à la situation sur les côtes de la manche et de la mer du Nord. Car ce dont nous nous préoccupons, ici, à Calais, c’est bien de la régulation des flux sortants de la zone Schengen, mais nous devons tout autant nous préoccuper de la régulation des flux entrants. Nous le savons tous, les filières clandestines qui arrivent en Europe par Patras, en Grèce, sont celles qui transitent par Calais. Nous ne pourrons pas résoudre durablement les difficultés posées par le contrôle à la sortie de la zone Schengen, que nous connaissons aujourd’hui à Calais, tant que nous n’aurons pas aussi renforcé le contrôle à l’entrée.

L’Europe dispose déjà d’une agence, Frontex, qui peut servir de base pour construire une véritable police européenne aux frontières. Je l’ai réaffirmé devant la direction de l’agence, à Varsovie, jeudi dernier, et en participant, le jour suivant, à une opération de contrôle maritime, en Grèce, au large de Patras : la France souhaite un renforcement de Frontex. J’ai présenté dès hier à Bruxelles, au nom de la France, un plan d’action pour le renforcement de Frontex, reposant sur 5 mesures :

L’élaboration d’une doctrine d’engagement claire et partagée pour les opérations maritimes en Méditerranée, tournée vers l’interception et la reconduite, dans le respect de nos obligations internationales notamment en matière d’asile.

Une coopération entre l’agence Frontex et chacun des Etats de départ des migrants pour coordonner nos actions de lutte contre l’immigration irrégulière en mer.

 La création de bureaux spécialisés de Frontex là où cela est nécessaire, à commencer par la Méditerranée, pour coordonner les opérations de surveillance et de contrôle au plus près du terrain, dans le strict respect de l’unicité de l’agence Frontex.

L’affrètement régulier par Frontex de vols groupés pour des opérations communes de reconduite au niveau européen.

La création d’un programme « Erasmus » pour les gardes-frontières, coordonné par Frontex, afin de faire émerger progressivement une véritable communauté professionnelle à l’échelle de l’Europe.

Ce plan d’action pourrait être adopté par nos Chefs d’Etat et de Gouvernement dès le Conseil européen des 29 et 30 octobre, afin que les premières mesures soient mises en œuvre d’ici la fin de l’année.

Vous l’avez compris, je ne souhaite pas choisir entre le rétablissement de l’Etat de Droit à Calais et les négociations au sein de l’Union européenne. Ce choix est absurde. Je mènerai les deux efforts parallèlement, avec la même énergie.

Calais constitue un concentré exceptionnel de toutes les difficultés rencontrées par nos politiques de l’immigration et de l’asile. J’espère aujourd’hui, par ma présence et mon action, vous avoir démontré que face à cette situation, mon engagement est total.