Réflexion et convictions sur l’identité de la France - François Fillon - Premier ministre

4 novembre 2009

A l’occasion de la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy avait insisté sur la nécessité de renforcer notre identité nationale. Devant l’étiolement des vertus civiques, devant la résurgence des communautarismes et la puissance des flux migratoires, devant cette forme de repentance qui voyait les pages sombres de notre Histoire prendre trop systématiquement le pas sur ses pages les plus lumineuses, il fallait réagir.

En replaçant la question de l’identité nationale au coeur de notre réflexion politique, nous avons voulu interpeller les Français sur l’essentiel : qu’est-ce que la France au XXIème siècle ? Qu’est-ce qui nous rassemble ? Quelles sont nos valeurs communes ? Qu’est-ce qu’être Français ?
Ce débat, aujourd’hui prolongé par Eric Besson dans tout le pays, n’est ni de droite ni de gauche. La France est notre bien commun, et chacun a le devoir de s’interroger sur les voies et moyens de mieux nous rassembler, de mieux aimer et mieux servir notre pays.

Refuser ce débat et stigmatiser l’idée même que notre peuple puisse avoir une identité singulière, c’est laisser le champ libre aux extrémistes, eux dont le succès repose notamment sur la prétendue faiblesse de notre sentiment national. C’est aussi baisser notre garde devant tous ceux qui contestent l’autorité et la laïcité de la République.

Je ressens honte et colère lorsque je vois la Marseillaise sifflée par des supporters, tout comme je suis scandalisé de voir, comme à Poitiers, des émeutiers détruire les biens publics. Je suis également inquiet devant l’expression radicale des appartenances ethniques ou religieuses. Tous ces comportements sont les signes d’une société qui a besoin de raffermir ses repères historiques, civiques et moraux.

Débattre de notre identité et agir pour la renforcer, c’est vitaliser notre pacte national, c’est resserrer notre socle social et porter nos idéaux républicains. C’est aussi répondre à la quête de fraternité qui traverse les jeunes générations.
Cette ambition intellectuelle et politique ne devrait choquer personne.

La question de l’identité nationale est aussi vieille que la France et aussi plurielle que les Français, car chacun d’entre-nous, comme l’écrivait le Général de Gaulle, porte en lui une « certaine idée de la France ».
Nous sommes les héritiers d’une Histoire exceptionnelle dont nous n’avons pas à rougir. Nous sommes les dépositaires d’une culture brillante, dont le rayonnement international doit être fermement défendu. Nous avons nos moeurs et un certain art de vivre dont les observateurs étrangers perçoivent, souvent mieux que nous même, la singularité.

Faut-il négliger, ridiculiser, balayer tout cela ?

Il y a quelques années de cela, il était de bon ton dans certains milieux de dénigrer notre pays et de railler ses principes et ses symboles fondamentaux. Au profit de quoi ? D’une société sans âme, dominée par un individualisme féroce ? D’une Europe souvent plus technocratique que politique ? D’une mondialisation désincarnée ?

Les Français ne peuvent souscrire à un tel déracinement.

Notre nation est notre protection et notre tremplin.

Elle nous rassemble, nous solidarise, nous grandit, nous permet, dès lors que nous sommes fiers de nous-mêmes, de nous ouvrir sur d’autres peuples et d’autres cultures sans craindre de nous perdre. Au coeur de l’universalisme français, il y a la fulgurance de notre histoire, il y a la brillance de notre langue et de nos arts, il y a l’humanisme de notre devise républicaine. Bref, il y a tout ce qui fonde notre identité.

Je ne suis pas de ceux qui pensent que le temps des nations est révolu.

L’Europe politique voulue par le Président de la République, c’est l’Europe des nations qui ont le courage de se placer au service d’un dessein collectif. Sans nations fortes, il ne peut y avoir d’Europe forte !

Dans la mondialisation, c’est le pluralisme et la richesse des patries, des langues et des héritages qui déjouent l’unilatéralisme des Etats les plus puissants et la standardisation appauvrissante qui guette notre humanité.

Pour relever les immenses défis de notre temps, les 65 millions de Français doivent faire bloc.

Mais pour faire bloc, encore faut-il être convaincu que ce qui nous rassemble est plus fort que ce qui nous divise. Encore faut-il être animé par un certain patriotisme que je ne confonds pas avec un nationalisme étroit.

La folie nationaliste atteint les peuples dont le patriotisme naturel a été étouffé au profit d’un individualisme délétère qui vire toujours à l’extrémisme.

Un peuple uni et fier, est un peuple ouvert et généreux. En revanche, le poison xénophobe s’insinue dans le coeur des hommes dès lors que l’âme fédératrice de la nation est desséchée et brisée.

Si nous ne croyons plus en nous-mêmes, si nous estimons n’avoir aucune spécificité à revendiquer ou à défendre, si nous n’inscrivons plus nos destinées individuelles dans un destin collectif, alors la France ne peut que décliner et se disloquer, faute d’être aimée et servie par les Français eux-mêmes.

Oui, il y a une identité française, comme il y a une identité italienne, britannique, marocaine, japonaise, chacune présentant ses caractéristiques, ses grandeurs, mais aussi ses faiblesses.
Il ne s’agit pas de magnifier la France, mais de l’aimer avec coeur et lucidité. C’est dans la pleine reconnaissance des lumières mais aussi des ombres de notre passé que la nation s’instruit, se grandit et se rassemble.

A l’origine, l’identité française ne fut ni spontanée, ni même le fruit d’une géographie évidente. Notre nation n’a jamais cessé de se bâtir, de s’agrandir, de s’unifier, fédérant des provinces rebelles, orchestrant des religions aux cultes distincts, recevant des vagues d’immigrants aux cultures dissonantes.
Par la force de l’Etat, par la communion de la langue et la marque du droit, par le prix du sang et par la flamme de la mémoire et des mythes, sous le sceau enfin d’une République démocratique et laïque, l’identité française s’est faite pas à pas.
C’est cette longue trajectoire avec nous-mêmes, c’est ce roman national, que nous devons prolonger et actualiser.

Renforcer notre identité, ça n’est pas assouvir je ne sais quelles obsessions passéiste ou raciale.

La France n’a jamais cessé d’être en mouvement. Elle n’est pas, et n’a jamais été, l’expression d’une race, pas plus qu’elle ne fut et ne doit être une juxtaposition de communautés repliées sur elles-mêmes.

De Philippe Auguste à Henry IV, de Richelieu à Georges Clemenceau, la sédimentation progressive de notre creuset national et la ferme volonté politique d’unir nos différences se sont imposées sur nos particularismes et nos vieux penchants pour la division.

Transcendant nos provinces, nos origines et nos religions, nous sommes depuis le début, une nation fondée sur la volonté d’être précisément… une nation ! Et depuis 1789, nous sommes une nation de citoyens, ce qui, au demeurant, nous impose plus de devoirs que de droits, plus de civisme que d’égoïsme, plus de volonté d’adhérer à une communauté de destin que d’indifférence.

Nation citoyenne, la France accueille et a assimilé depuis des siècles des générations d’étrangers qui ont apporté leur concours au développement de notre pays.

Si nous avons créé un grand ministère recoupant l’immigration, l’intégration et l’identité nationale, c’est parce que les étrangers d’aujourd’hui seront souvent les Français de demain.

Chaque année, plus de 100.000 d’entre eux acquièrent la nationalité française.

Ils nous font l’honneur de rejoindre notre communauté nationale et nous leur faisons l’honneur de les recevoir au sein de l’une des plus belles patries du monde.

Il n’y a rien de choquant à dire que les étrangers qui s’installent régulièrement chez nous ont vocation à s’approprier l’héritage du pays des droits de l’homme, de Victor Hugo et du Général de Gaulle.

Il n’y a rien d’outrageant à ce que notre patriotisme soit mis en partage.

Il est naturel de vouloir que nos valeurs soient les leurs.

Nous sommes une nation d’intégration.

Et l’intégration signifie que celui qui vient légalement en France adopte la France, et, dès lors, la France l’adopte comme l’un des siens.

Mais pour qu’il y ait intégration, faut-il encore que l’étranger qui rejoint notre communauté nationale sache et sente qu’elle est animée par une foi commune.

Il est impossible de s’intégrer s’il n’y a rien à intégrer !

Etre Français, vouloir devenir Français, vivre parmi nous, ça n’est pas seulement disposer d’une pièce d’identité et avoir ses papiers en règles.

Etre Français, c’est une chance mais c’est aussi une charge.

Dans une grande nation comme la nôtre, chaque citoyen tient entre ses mains une part du succès de la France.
Chacun est porteur d’un héritage historique, culturel, spirituel, qu’il se doit de connaître, respecter et prolonger.

Cette exigence est valable pour les Français qui sont les premiers concernés par le sort de la nation, mais elle l’est aussi et naturellement pour les étrangers qui nous rejoignent.

En cherchant à renouveler notre identité nationale, nous voulons renforcer notre unité, notre citoyenneté et notre universalité.
Cette identité est une source de rassemblement.

Elle doit être une fierté partagée et un tremplin pour bâtir ensemble notre avenir.

Tel est le sens du débat qui est aujourd’hui engagé.